La France sévèrement mise en garde par S&P

Par latribune.fr (avec AFP)  |   |  736  mots
Standard & Poors a descendu la note de la France au troisième cran, tandis que Fitch et Moody's ont maintenu le deuxième cran.
L'agence de notation américaine s'inquiète de déficits publics "plus dégradés que prévus". La mauvaise santé de la zone euro pèse également sur les perspectives économiques de la France.

L'agence de notation Standard and Poor's a lancé un avertissement à la France, qui pourrait voir sa note baisser si elle n'entreprend pas des réformes vigoureuses ou se retrouve prise dans la nasse de la déflation, mais le gouvernement a relativisé la portée de cette mise en garde.

Si l'agence américaine a fait le choix vendredi de maintenir la note de solvabilité à long terme de la France à "AA", elle a modifié la perspective qui est attachée, la faisant passer à "négative" contre "stable".

S&P, la plus sévère des agences de notation

L'agence est traditionnellement plus sévère à l'égard de la France, qu'elle avait été la première à priver de son "triple A", en janvier 2012. Ses concurrentes Moody's et Fitch continuent d'accorder la deuxième meilleure note possible à la qualité de la dette française, alors que S&P est déjà descendue au troisième cran. La "perspective négative" de S&P signifie que le pays a au moins une chance sur trois de voir sa note baisser au cours des 24 prochains mois.

Déficit "plus dégradé que prévu"

Pour Marie-France Raynaud, analyste principale de l'agence de notation pour la France, cette décision s'explique d'abord par l'état des finances publiques du pays: le déficit budgétaire est "plus dégradé" que prévu et pourrait "se dégrader davantage", en raison de "marges de manoeuvre réduites sur les recettes". En outre, l'objectif de "stabilisation de la dette" a été "repoussé".

Enfin, il y a un "risque concernant la mise en oeuvre des réformes structurelles annoncées" par le gouvernement, censées relancer la croissance et assainir les finances publiques. "On manque d'antécédents solides" pour savoir si la France va vraiment mettre en place les réformes auxquelles elle s'est engagée, a-t-elle expliqué, évoquant aussi de possibles résistances sociales. Sans compter que la faible inflation, un phénomène qui concerne l'ensemble de la zone euro, a pesé dans la décision de l'agence, en raison de son rôle nocif pour les finances publiques.

Le gouvernement reste serein

Mais le ministre des Finances Michel Sapin a aussitôt relativisé la portée de cette décision, assurant dans un communiqué que la dette française restait "l'une des plus sûres du monde". Pour preuve, le taux à dix ans de la France évolue à de bas niveaux. Vendredi, il a fini à 1,252% contre 1,250% la veille.

"La situation économique pèse sur nos équilibres budgétaires, mais le gouvernement a fait le choix de maintenir le cap. (...) Nous poursuivrons les réformes nécessaires pour soutenir la croissance à moyen terme", a assuré M. Sapin, qui a toutefois aussi évoqué une dimension européenne.

"Dans une situation de reprise encore trop faible et d'inflation anormalement basse en zone euro, il convient que chaque pays prenne ses responsabilités et qu'une politique économique européenne coordonnée soit menée au service de la croissance", a-t-il estimé.

 La mauvaise santé de la zone euro pèse

Depuis plusieurs semaines, l'accumulation de mauvais indicateurs a fait de la zone euro le principal point noir de l'économie mondiale. Ses piètres performances économiques ont focalisé cette semaine l'attention des responsables économiques de la planète réunis à Washington pour les assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale.

Et, parmi les Etats membres de la zone euro, c'est l'Allemagne qui suscite les plus vives inquiétudes. Le moteur économique de la zone euro a en effet connu plusieurs ratés ces derniers jours, donnant des arguments à tous ceux qui estiment que Berlin devrait "prendre ses responsabilités" pour reprendre les termes de M. Sapin, c'est-à-dire en faire plus pour la croissance en zone euro, y compris pour son propre bien.

Le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a dû monter au créneau pour défendre la ligne inflexible de Berlin: la croissance ne peut s'obtenir "en signant des chèques", a-t-il dit à Washington.

S&P pour sa part a aussi pointé du doigt le rôle de la Banque centrale européenne, en indiquant dans son communiqué sur la France que la note de cette dernière pourrait baisser si "les actions de politique monétaire au niveau de la zone euro échouaient à prévenir le risque d'une déflation".