Comment Emmanuel Macron veut réformer la procédure prud'homale

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  801  mots
Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, veut professionaliser et accéler la justice prud'homale
Le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, veut introduire dans sa prochaine loi sur la libéralisation de l'économie une réforme de la procédure prud'homale. L'idée serait de professionnaliser, de sécuriser et de raccourcir la procédure, via notamment, le recours à des juges professionnels et à de procédures d'arbitrage.

Des juges professionnels vont-ils faire leur entrée dans les Conseils de prud'hommes ? Ce n'est pas impossible, c'est en tout cas l'une des mesures que préconise Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, qu'il compte bien mettre en application via la prochaine loi sur la libéralisation de l'économie. En effet, ce texte, qui prévoira des mesures sur la libéralisation des transports, l'ouverture dominicale, les seuils sociaux, etc. devrait aussi s'intéresser à la procédure prud'homale dans le but de la simplifier et de la raccourcir.

De fait, selon une note de la Direction du Trésor à Bercy sur le "traitement des litiges en droit du travail", la durée moyenne de traitement des affaires aux prud'hommes atteignait 15 mois en 2012. Quant au taux de conciliation (qui évite un jugement) il n'était que de 5,5%. Par ailleurs, le taux d'appel des décisions des conseils de prud'hommes atteignait 62,1%. Ce qui prolonge singulièrement encore la procédure, parfois jusqu'à trois ans. Surtout, toujours selon la note du Trésor, le taux de confirmation des jugements prud'homaux en appel n'est que de 28,3%, inférieur aux taux des autres juridictions (de 46 à 53,6%).


Favoriser la conciliation, voire la médiation et l'arbitrage

C'est pour remédier à tous ces maux que Emmanuel Macron veut donc réformer la procédure prud'homale. Que souhaite-il faire exactement?  On ne le sait pas encore avec certitude. Mais il est certain que le ministre de l'Economie veut réduire les délais. D'abord en facilitant la conciliation.

En juin dernier, la Cour de cassation, dans un rapport sur la justice prud'homale remis à la Gardes des Sceaux préconisait : « Si les juges l'estiment utile, renvoyer à une nouvelle audience de conciliation, renvoyer à une médiation, ou renvoyer à des conciliateurs de justice spécialisés ». Pour sa part, la Direction du Trésor suggère également des pistes de réformes qui vont dans le même sens. Elle propose de développer « les modèles alternatifs de règlement judiciaire, intégrés ou non à la voie judiciaire ». La formule viserait d'abord la médiation (un tiers cherche a rapprocher les positions des deux parties prenantes). « Entre 1996 et 2005, la cour d'appel de Grenoble a ordonné 700 médiations pour un taux de réussite de plus de 70 % », rapporte le Trésor.

Le recours à l'arbitrage ne serait non plus pas exclu. Dans ce modèle de résolution des conflits, les deux parties s'accordent via une convention, appelée clause compromissoire, sur une voie exceptionnelle de résolution des conflits et choisissent un juge chargé de rendre une décision de justice. L'arbitrage aboutit à une décision obligatoire appelée sentence arbitrale. Mais en droit du travail c'est un peu compliqué car un salarié garde toujours le droit de saisir le Conseil des prud'hommes. Il n'empêche, des expériences sont cependant menées. Ainsi, à l'initiative de Maitre Hubert Flichy, président de l'association Avosial, qui regroupe les avocats en droit social qui défendent les entreprises, un Centre d'arbitrage du Travail est inauguré ce 21 octobre à Paris. Le mérite de la procédure d'arbitrage est de faire gagner beaucoup de temps aux deux parties.


Bientôt des juges professionnels dans les prud'hommes?

Emmanuel Macron a également évoqué l'idée de « professionnaliser la procédure ». C'est là que resurgit la vielle antienne de faire entrer des juges professionnels dans la procédure prud'homale. Actuellement, les conseil de prudhommes sont composés de juges non professionnels représentant à parité les employeurs et les salariés. C'est seulement lorsque ces juges n'arrivent pas à se mettre d'accord qu'il est fait appel à un juge professionnel, dénommé juge départiteur. La Cour de cassation préconisait dans son rapport que le bureau de conciliation -qui intervient obligatoirement en amont du jugement prud'homal - puisse «envoyer d'ores et déjà au juge départiteur si l'affaire paraît nécessiter une formation spécialisée ».

Pour sa part, la direction du Trésor envisage l'introduction systématique d'un juge professionnel aux côtés des juges salariés et employeurs. Ce que l'on appelle l'échevinage.
On ne sait pas encore quelle formule retiendra le ministre de l'Economie. Mais il est certain que la réforme des prud'hommes fait partie des demandes patronales. Medef, CGPME, UPA estiment en effet que les aléas qui pèsent sur la procédure prud'homale constituent un frein à l'embauche. Les organisations patronale sont suivies sur ce point par la Direction du Trésor qui estime que :

« L'analyse économique a montré les effets défavorables qui exercent de telles rigidités sur la productivité et le fonctionnement du marché du travail. Son impact sur l'emploi est plus difficile à mesurer mais les études existantes concluent cependant à un effet plutôt négatif d'un niveau de protection de l'emploi trop bas ou trop élevé »