Investissement : les collectivités locales à l’heure des choix

Par Mathias Thépot  |   |  656  mots
Les élus vont-ils bien anticiper les besoins futurs des populations ?
La baisses des ressources propres des collectivités locales et l’accès limité à l’emprunt les contraignent à faire des choix : faut-il privilégier les investissements nouveaux au maintien des investissements de renouvellement, et faut-il cibler certains domaines d'avenir ?

C'est bien connu, les collectivités locales font face à une baisse tendancielle de leurs ressources propres. En 2014, leur épargne brute (excédent des recettes sur les dépenses de fonctionnement) devrait diminuer d'encore 5,6% à 36,4 milliards d'euros si l'on en croit une note conjoncturelle réalisée par la Banque Postale. Cette contraction résulte principalement de la trop faible croissance des recettes courantes qui n'a pas pu compenser la hausse des dépenses de personnel et des prestations sociales versées par les collectivités.

Le recul des dotations de l'Etat

Pour ne rien arranger, leurs recettes courantes risquent de baisser à nouveau l'année prochaine puisque les dotations de l'Etat aux collectivités vont encore être réduites de 3,67 milliards d'euros. En parallèle l'atonie prévisible des ressources fiscales et le contexte économique difficile ne donnent guère d'espoir, le recours à l'emprunt ne pouvant pas à lui seul résorber le gouffre qui se créer. Pessimistes, les services de la Banque Postale qui ont rédigé la note prédisent un fort recul de l'investissement d'environ 15% pour 2014 et 2015. Cette baisse inquiétante est loin d'être anodine pour l'économie française puisqu'elle fait aussi peser un danger important sur les secteurs qui s'appuient sur les projets d'investissements des collectivités locales, notamment le bâtiment et les travaux publics qui sont d'importants pourvoyeurs d'emplois.

L'entretien du patrimoine existant est privilégié

Pris à la gorge, les collectivités vont de fait devoir choisir à quelles fins allouer leurs capacités d'investissements. Jusqu'ici, elles privilégient les investissements de renouvellement pour maintenir leur patrimoine -principalement des bâtiments et des ouvrages de génie civil (bâtiments scolaires, routes...) - à sa valeur actuelle. En 2014, ces dépenses représenteraient 80% des investissements globaux des collectivités, ce qui n'est pas surprenant car les collectivités n'ont fait en réalité qu'accompagner "l'accroissement du patrimoine local depuis 30 ans. L'augmentation de la population a en effet généré le besoin de nouveaux équipements et les différentes lois de décentralisation ont transféré aux collectivités de nombreux équipements comme les collèges, les lycées ou les routes", justifie les auteurs de la note.

Le recours à la dette pour maintenir en l'état le patrimoine

La vraie nouveauté, c'est que ces investissements se font de plus en plus par le biais de la dette. "En 2013 et 2014, les ressources propres nettes ne représentent plus que 68 % de ces investissements (contre 93 % en moyenne), ce qui nécessite une mobilisation plus forte des emprunts", explique la note de la Banque Postale. Une situation caractéristique des périodes de récession où les emprunts ne vont pas vers les investissements nouveaux mais plutôt compenser la baisse des ressources propres pour financer l'entretien du patrimoine existant.

Du reste, si elles veulent maintenir ou augmenter leur attractivité économique à l'avenir, les collectivités locales vont être amenées "à choisir entre financer de nouveaux équipements au détriment de l'entretien de ceux existants ou privilégier la qualité du capital existant en réduisant ou en retardant la construction de nouvelles infrastructures", prédit la Banque Postale.

Anticiper les futurs besoins

L'argent se faisant rare, les collectivités locales seront aussi contraintes d'arbitrer leur investissements entre différents domaines en lien avec les besoins des populations sur les territoires. Jusqu'ici, "la politique du logement, la croissance démographique ou le vieillissement de la population" sont des secteurs clairement identifiés par les politiques publiques locales, constate la Banque Postale.
Mais d'autres qui ne le sont pas encore pourraient prendre de l'ampleur dans les années à venir. Cela pourrait être le cas du développement durable, de la recherche de la performance énergétique, du développement du numérique, ou des transports des biens et des personnes. Ces domaines pourraient eux aussi générer de nouveaux besoins pour de nouveaux équipements. Acteurs et penseurs des politiques locales ne devront pas manquer de l'anticiper.