Tout le monde doit payer l'impôt sur le revenu !

Par Michel Tudel  |   |  798  mots
Michel Tudel
Il faut répartir plus équitablement l'impôt sur le revenu, trop concentré sur les classes moyennes et supérieures. Et parvenir à un impôt propotionnel. Par Michel Tudel, président d’Absoluce, groupement de cabinets indépendants d'expertise comptable, d'audit et de conseil.

Il existe aujourd'hui en France une solidarité sociale, créée à la libération. Mais par ses mécanismes de protection et de redistribution, c'est l'une des premières causes de l'accroissement des dépenses publiques. Or, les cotisations sociales ne peuvent à elles seules absorber ces dépenses et entraînent des conséquences négatives sur l'emploi. Autrement dit, la solidarité sociale doit aussi nécessairement se fondre dans notre fiscalité.

De fait, la solidarité devant l'impôt est inscrite en filigrane dans le droit français. Après la Seconde guerre mondiale, elle est même devenue, en France comme en Allemagne, un des fondements essentiels des fiscalités nationales. Outre-Rhin, le système fiscal reste encore aujourd'hui très solidaire. Ainsi, le taux de l'impôt sur le revenu augmente progressivement et de manière uniforme en fonction du revenu imposable, sans tranches d'imposition comme c'est le cas en France. En outre, l'impôt sur le revenu allemand (comme d'ailleurs l'impôt sur les sociétés) est soumis à une surtaxe de solidarité destinée à soutenir la reconstruction économique dans les Länder de l'ex-RDA.

Les effets négatifs de la suppression de la première tranche d'impôt

En France, nos gouvernants ont oublié que l'impôt sur le revenu unit les citoyens à l'État. Ce dernier a instauré une fiscalité punitive dont la tranche à 75% constitue la caricature, illustrée davantage encore par la suppression de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
Certes, cette mesure profite à trois millions de contribuables, mais, pour le reste, elle a au moins trois effets négatifs.
Tout d'abord, du fait de la progressivité de l'impôt, elle concentre encore un peu plus le poids de la fiscalité sur les tranches supérieures. Comme l'a relevé Gilles Carrez : « 2% des contribuables assurent 49% des recettes. Un cas unique au monde ».

Cette politique expose, voire encourage, les délocalisations. 100 ans après sa création, en France, en 1914, l'impôt sur le revenu est devenu un mauvais impôt.

Second effet négatif : avant cette mesure, un foyer fiscal sur deux ne payait pas l'impôt sur le revenu. Ce taux va maintenant monter au-dessus de 55%. « Or, l'impôt sur le revenu est l'héritier de l'impôt féodal, la taille. En payant leur dû, les contribuables d'aujourd'hui s'inscrivent dans cette même tradition », explique l'économiste Jean-Marc Daniel. L'exonération de l'impôt rompt ainsi la relation entre les administrés et l'État.

Un impôt qui ne porte que sur les classes moyennes et supérieures


Troisième effet négatif de la suppression de la première tranche du barème : elle est en inadéquation avec une politique de l'offre telle que voulue aujourd'hui. En effet, c'est une vraie idée fausse de croire qu'en privant certains de revenus, on peut améliorer le sort des autres et donc réduire les inégalités. Il aurait fallu, à l'inverse, augmenter le pouvoir d'achat des ménages en relevant les salaires (exemple : les États-Unis), en encourageant ou en installant la concurrence dans tous les secteurs - y compris dans certains services de l'État , ce qui aurait permis d'élargir l'assiette de l'impôt.

Au total, faire porter l'essentiel du poids de l'impôt sur les classes moyennes et supérieures ne fera qu'aggraver les fractures sociales, et encourager l'individualisme. La solidarité n'existe plus si une seule catégorie de foyers fiscaux supporte tout le poids de l'impôt et si une autre catégorie en est totalement exonérée !
Cette politique fiscale a aussi des effets pervers. Les classes moyennes ou supérieures payant la quasi-totalité de l'impôt, elles se sentent surimposées par rapport aux avantages qu'elles en tirent. Inversement, les contribuables exonérés perdent conscience du coût des avantages dont ils profitent. Et, surtout, l'impôt sur le revenu devient si concentré qu'il dissuade les Français les plus productifs, au détriment de l'emploi et de la croissance.

Un impôt plus équitablement réparti

C'est pourquoi il faut revenir à un impôt plus solidaire, c'est-à-dire plus équitablement réparti, et donc plus juste. Que chaque contribuable paie sa quote-part selon ses facultés contributives : un impôt, même faible, mais payé par tous, voilà comment renforcer la solidarité et la cohésion entre les Français.
Revenons à un impôt sur le revenu proportionnel, universel, équitable. Ainsi, nous pourrions nous acheminer vers un impôt sur le revenu à taux unique où tous participeraient, même de façon symbolique.
A cette condition seulement, le lien fiscal se rétablira entre les Français, et sa fusion avec le lien social pourra constituer le ciment d'une solidarité nationale enfin retrouvée.