Loi Macron : qui s'y oppose ?

Par Fabien Piliu  |   |  1134  mots
Pour le ministre de l'Economie, le plus dur commence : faire en sorte que le Parlement ne modifie pas trop profondément le projet de loi sur la croissance et l'activité
Le projet de loi pour la croissance et l'activité présenté en Conseil des ministres ce mercredi par le ministre de l'Economie est au centre des critiques de la part des professionnels concernés, de l'opposition et même d'une partie de la majorité. Que reprochent-t-ils à ce texte qui sera débattu au Parlement en janvier ?

Il ne l'avouera certainement pas mais la batterie de mauvais indicateurs statistiques publiée ce mercredi est une excellente nouvelle pour le ministre de l'Economie. Le jour même de la présentation du projet de loi pour la croissance et l'activité, quel meilleur soutien qu'une dégradation de l'économie française pour rendre évidente la nécessité de libéraliser l'économie ?

En octobre, la production industrielle a chuté de 0,8%, la production manufacturière a reculé de 0,2% et 55.200 emplois salariés ont été détruits au troisième trimestre....

A la recherche de l'impossible consensus ?

Dans ce contexte, le projet de loi pour la croissance et l'activité présenté en conseil des ministres ce mercredi, dont les trois objectifs sont de " libérer " l'économie, de relancer l'investissement et de permettre à plus de Français de travailler, devrait faire consensus.

Raté. Les professionnels concernés sont pour la plupart vent debout. Pourtant, le projet de texte ne remet pas en cause les Ordres, ne casse aucun monopole, ne remet en cause aucun code de déontologie et ne supprime aucune exclusivité. En revanche, il élargit la liberté d'installation pour permettre aux jeunes clercs et aux jeunes avocats d'exercer leur profession. Le projet de loi rappelle que la population française a augmenté de dix millions de personnes en trente ans mais que sur la même période, 600 études notariales ont disparu et n'ont pas été remplacées.

Le texte explique également que les restrictions à l'installation comme la transmission héréditaire ou la vente au plus offrant ne permet pas d'assurer un maillage territorial cohérent - la densité d'études pour 100.000 habitants est de 4 pour l'ensemble Paris-Seine-Saint-Denis et le Val de Marne contre 12 pour l'Aveyron - et empêche de nombreux professionnels d'accéder au statut d'associés, devant se contenter du statut de salariés, moins bien payés. Le nombre de ces derniers a été multiplié par trois entre 2005 et 2012.

Des appels au calme restés vains

Plus grave encore pour les professionnels, il remet en cause les pratiques tarifaires pour les ajuster aux coûts réels. C'est surtout cette seconde mesure qui fait bondir les professionnels, en dépit des appels au calme lancés par Emmanuel Macron qui leur a demandé à plusieurs reprises de ne plus avoir de vision malthusienne de l'économie, en clair, que plus de monde puisse obtenir une part de gâteau.

Que vise le gouvernement ? Redonner un peu de pouvoir d'achat aux ménages et participer au redressement de la compétitivité des entreprises, compétitivité déjà stimulée par les mesures contenues dans le Pacte de compétitivité et le Pacte de responsabilité.

Le commerce de proximité en danger ?

L'extension du travail dominical subit également les foudres d'une partie des professionnels, notamment des représentants du commerce de proximité. " L'annonce d'une compensation salariale obligatoire pour l'ensemble des commerces qui pratiquent l'ouverture dominicale, sans distinction de taille, y compris dans les 600 zones touristiques non concernées à ce jour, constitue une grave régression pour l'avenir des commerces de proximité. Par cette mesure, après le renoncement à inscrire dans la loi une exemption à la compensation salariale systématique en cas d'ouverture dominicale étendue à 12 dimanches par an pour les moins de 20 salariés, le gouvernement troque clairement l'avenir du commerce de proximité contre le ralliement à son projet de certains députés de la majorité", explique Jean-Guilhem Darré, le délégué général du Syndicat des indépendants (SDI) pour qui ce calcul, jugé "de court terme" présente " tous les ingrédients d'une catastrophe annoncée pour l'emploi dans des commerces de proximité à bout de souffle, déjà contraints par l'absence de flexibilité sur le temps de travail avec le principe d'une durée minimum de 24 heures par semaine pour les temps partiels."

La classe politique n'est guère plus amène

Au sein même de la majorité, les critiques fusent. C'est le cas de certains " frondeurs " du Parti socialiste, estimant que la patte du Medef dans ce texte est trop visible. Christian Paul, le député socialiste de la Nièvre s'oppose notamment à l'extension du travail dominical. Sur ce dossier, le premier secrétaire du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis lui-même a pris position, jugeant préférable de limiter à sept par an le nombre de dimanche travaillés. Dans une tribune publiée ce mercredi dans le Monde, Martine Aubry, la maire de Lille estime que travailler le dimanche est une « régression sociale ». Et au gouvernement ? Le texte ne fait pas consensus, loin s'en faut. Mais l'unité gouvernementale prévaut. Il faut bien sauver les apparences.

L'opposition condamne, par principe

Sans surprise, clivage droite-gauche oblige, l'UMP et l'UDI critique un texte qui reprend pourtant certaines mesures que Nicolas Sarkozy a voulu faire passer lors de son quinquennat. Compte tenu de la situation actuelle de l'économie françaises, du niveau du taux de chômage, notamment celui des jeunes, l'occasion était pourtant belle de signer la trêve des confiseurs et de soutenir un texte puis de tenter de l'améliorer lors du débat parlementaire. Soucieux de ne pas donner raison à ceux - c'est-à-dire le Front national - que l'UMP et le PS ont une même vision de la politique économique -, critiquant la forme, c'est-à-dire la méthode jugée à la hussarde, du gouvernement, plus que le fond, l'UMP et l'UDI qui appellent de leur vœux un renouveau de la politique française ne soutiendront pas un texte dont la philosophie est calquée sur la loi de modernisation de l'Economie votée en 2008. Une loi qui, en son temps avait également concentrée les critiques de l'opposition qui avait voté contre....

Quant à Jean-Luc Mélenchon, le leader du Parti de gauche (PG) dont on ne sait plus s'il fait partie de la majorité ou de l'opposition, il appelle à une journée de mobilisation contre l'extension du travail du dimanche, sans en fixer la date.

Attendre le retour de la croissance

Selon un sondage publié la semaine dernière, 6 Français sur 10 se déclarent favorables au projet de loi. Les deux mesures phares - le travail dominical et la concurrence des professions réglementées - sont largement plébiscitées... Pourtant, le gouvernement a d'ores et déjà annoncé que le texte serait "enrichi" d'ici son passage au Parlement. Enrichi ou vidé ? L'avenir le dira.

En attendant le 22 janvier, premier jour des débats parlementaires sur ce texte, ses opposants ont encore un peu de temps pour fourbir leurs armes et tenter de convaincre les députés et les sénateurs de la nécessité de se contenter du statu quo en attendant que l'économie française retrouve le chemin de la croissance.