Libéralisation du transport par autocar : big-bang ou pétard mouillé ?

Par Fabien Piliu  |   |  856  mots
Les TER ne seront pas concurrencés par les nouvelles liaisons en autocar
Intégrée au projet de loi pour la croissance et l'activité, cette mesure pourrait créer plusieurs milliers d'emplois et faciliter les mobilités à un coût abordable selon le gouvernement. Est ce si certain ?

C'est une mesure qui a surpris tout le monde. Alors que le disruptif est sur toutes les bouches, que les acteurs de la French Tech présents à Las Vegas tentent de séduire les investisseurs du monde entier, le numérique 4.0 et les objets connectés s'apprêtent à envahir notre quotidien et à guider nos vies, Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie envisage de stimuler la cinquième - ou la sixième on ne sait plus - économie mondiale en libéralisant le transport par autocar. Qui y aurait pensé ? Personne jusqu'ici. Même les membres de la Commission pour la libération de la croissance française dirigée par Jacques Attali et leurs 316 propositions n'avaient pas eu cette idée.

Le potentiel économique serait- il si élevé ? Selon l'étude d'impact du projet de loi, la mobilité via les services réguliers par autocar d'initiative privée, exécutée dans le cadre du cabotage international - la seule autorisée - , n'est pas connue précisément. Elle représenterait moins de 0,05% du nombre total de voyageurs transportés. Au total, 110.000 voyageurs se sont déplacés en autocar en 2013, dernier chiffre connu.

Plusieurs objectifs sont définis

En autorisant le cabotage sur le territoire national, le gouvernement vise plusieurs objectifs. Il espère augmenter la mobilité de la population, désenclaver certains territoires, abaisser les coûts de déplacement et développer le secteur du transport régional. Un exemple ? Pour relier par le train Clermont-Ferrand à Périgueux, distant de 252 kilomètres, les usagers ne peuvent compter que sur un seul train par jour qui fera le trajet en cinq heures avec une correspondance.

" Les services réguliers par autocar offrent de réels atouts par rapport aux services ferroviaires en matière de couverture du territoire : le réseau d'infrastructure (autoroutes, routes nationales et départementales) est dix fois plus long que le réseau ferroviaire, ce qui permet un nombre accru de liaisons ; des flux de trafic de bien plus faible densité peuvent suffire à soutenir une exploitation financièrement rentable ; la flexibilité d'exploitation des autocars est plus élevée : l'offre peu évoluer plus facilement à la hausse ou à la baisse en fonction des besoins de la clientèle, y compris afin de prendre en compte les variations infra-annuelles ", explique le gouvernement, précisant que " la mobilité reste très fortement dépendante du niveau de revenu, même si on la limite aux voyages effectués à titre personnel ", explique le gouvernement.

Pour un aller-retour entre Lille et Paris pour quatre personnes, il faut actuellement débourser 396 euros en TGV, pour une heure de trajet, contre 114 euros, pour trois heures de trajet.

Des effets incertains

Selon les estimations du gouvernement, l'enjeu global de cette mesure oscillerait entre 1,2 et 1,7 milliard d'euros. L'impact en termes d'emplois n'est pas précisé. L'impact écologique ne l'est pas davantage, sachant que les études menées sur le sujet ont délivré des résultats contradictoires.

Au regard de ces éléments, quel peut être l'effet global de cette mesure ? Tout dépendra en fait du nombre d'autorisations que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) accordera. Mais, comme le prévoit l'étude du gouvernement, et comme l'ont confirmé les parlementaires à la CGPME lors de son audition portant sur certains points de la loi Macron, aucune autorisation ne sera délivrée dans les zones desservies par le réseau de TER.

" Il convient de rappeler que les services publics de transport fonctionnent sur un principe de
péréquation entre les lignes, ou sur une même ligne entre les trajets. Aussi, est-il tout à fait
envisageable que sur un trajet économiquement rentable, un autocariste privé vienne perturber
l'équilibre économique d'autres liaisons, bénéficiant de la péréquation, en venant faire diminuer le trafic sur ce trajet ", explique l'étude d'impact de Bercy. En clair, l'ARAF ne prendra pas le risque de fragiliser cette activité de la SNCF dont le budget 2015 prévoit la suppression de 1.100 postes cette année au sein du réseau.

En revanche, les nouvelles liaisons par autocar pourront concurrencer le TGV. " Si l'exploitation du TGV est bien soumise aux principes du service public, les services TGV ne constituent pas des services couverts par un ou plusieurs contrats de service public » au sens du droit communautaire. En particulier, la France ne pourrait opposer l'atteinte à l'équilibre économique du TGV pour refuser l'ouverture d'une liaison internationale, ou en cabotage, par autocar. Par ailleurs, le TGV est déjà largement en concurrence avec le transport aérien libéralisé ", précise le texte.

Big-bang ou pétard mouillé ?

Sachant que les entreprises ne s'intéresseront qu'aux seules liaisons rentables, le big-bang attendu pourrait être modeste. Selon l'ARAF, les liaisons les plus demandées sont : Paris-Bordeaux, Paris-Lyon, Paris-Strasbourg, Paris-Lille, Paris-Rennes, Paris-Nantes, Paris-Bayonne, Paris-Rouen et Paris-Poitiers. De nouvelles liaisons entre les métropoles régionales verront-elles le jour, dans la foulée de la réforme territoriale ? Qui sait ?

Reste à savoir ensuite quelle place laisseront principaux acteurs du marché - Transdev, Keolis et RATP se partagent actuellement 50% du marché - aux 5.000 PME du secteur....