Terrorisme : comment Valls compte répliquer

Par latribune.fr avec AFP  |   |  942  mots
"Des mesures exceptionnelles" s'imposent, mais "jamais des mesures d'exception" mettant en danger l'Etat de droit, estime néanmoins Manuel Valls.
Le Premier ministre souhaite renforcer les services du renseignement intérieur et de la juridiction antiterroriste, mais aussi prévenir les phénomènes de radicalisation.

Après le temps du recueillement et des hommages, voici venu pour le gouvernement celui de la révision des instruments en vigueur pour lutter contre le terrorisme. Intervenant mardi 13 janvier à l'Assemblée nationale, le Premier ministre Manuel Valls a détaillé les principales mesures qui, à son sens, devraient garantir à la France davantage de sécurité après les attentats des 7, 8 et 9 janvier.

"Des mesures exceptionnelles" s'imposent, mais "jamais des mesures d'exception" mettant en danger l'Etat de droit, a-t-il insisté, invitant les parlementaires à répondre "avec détermination" et "sérénité" aux questions ouvertes par les sanglants attentats de la semaine dernière, "sans jamais céder à la précipitation".

  • Il s'agit tout d'abord d'affermir les services du renseignement intérieur et de la juridiction antiterroriste.

"Tirer des leçons" des attentats de la semaine dernière, "c'est d'abord prendre conscience que la situation change en permanence et que les services en charge du renseignement intérieur et la juridiction anti-terroriste doivent être régulièrement renforcés", a souligné Manuel Valls.

Le Premier ministre compte donc affecter "les moyens nécessaires pour tenir compte de (la) nouvelle donne". Certes, la programmation de la création de 432 emplois à la DGSI (Direction Générale de la Sécurité Intérieure) doit "permettre de renforcer les compétences et de diversifier les recrutements: informaticiens, analystes, chercheurs ou interprètes", a-t-il relevé. Mais Manuel Valls souhaite "aller plus loin".

C'est pourquoi il a demandé à Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, de lui adresser "sous huit jours" des propositions "de renforcement", concernant "notamment internet et les réseaux sociaux, plus que jamais utilisés pour l'embrigadement, la mise en contact et l'acquisition de techniques permettant de passer à l'acte".

  • Quant à la mise en place d'un système européen sur les échanges de données des passagers (Passenger name record: PNR) de voyages aériens, le dispositif français sera prêt en septembre 2015, a assuré le Premier ministre.

Manuel Valls a appelé solennellement le Parlement européen pour qu'il vote ce système actuellement gelé dans cette instance. "Nous ne pouvons plus perdre de temps!", a-t-il insisté.

Les données PNR comportent des informations telles que le nom du passager, les dates et l'itinéraire du voyage, des informations relatives au billet, l'adresse et les numéros de téléphone, les moyens de paiement utilisés, le numéro de carte de crédit, l'agence de voyage, le numéro de siège et des informations relatives aux bagages.

  • Des mesures préventives doivent également permettre de faire face aux phénomènes de radicalisation. Le Premier ministre prône notamment la création d'un fichier des personnes condamnées pour terrorisme ou "membres de groupes de combat".

Il "obligera les personnes condamnées à des faits de terrorisme ou ayant intégré des groupes de combat terroristes à déclarer leur domicile et à se soumettre à des obligations de contrôle", précise Manuel Valls.

Les ministres Christiane Taubira (Justice) et Bernard Cazeneuve (Intérieur) doivent "étudier les conditions juridiques de mise en place" de ce nouveau fichier.

A l'heure actuelle, les personnes soupçonnées de terrorisme dans le cadre d'une enquête judiciaire peuvent figurer dans le seul fichier des personnes recherchées avec la fiche "Sûreté de l'Etat".

  • Le Premier ministre a promis la création "avant la fin de l'année" de "quartiers spécifiques" dans les prisons pour les détenus "radicalisés".

Ceci devrait permettre d'accroître leur surveillance. Le chef du gouvernement a fait référence à "l'expérience menée depuis cet automne à la prison de Fresnes" (Val-de-Marne), où un quartier de ce genre regroupe actuellement 23 détenus. La garde des Sceaux Christiane Taubira devait s'y rendre mardi après-midi.

Il faut donner "un cadre clair" à l'intervention "dans nos prisons, des imams, comme des aumôniers de tous les cultes" et "parvenir à une réelle professionnalisation", a ajouté Manuel Valls.

  • Manuel Valls veut aussi développer le renseignement au sein de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Il souhaite créer "au sein de la direction de la PJJ une unité de renseignement", "à l'instar de ce qui est fait dans l'administration  pénitentiaire", et dispenser "une formation de haut niveau (...) aux services de la PJJ", car "comprendre le parcours de radicalisation d'un jeune est toujours complexe".

Sur ces axes de travail, la garde des Sceaux Christiane Taubira est chargée de faire des propositions "dans les jours qui viennent".

  • Manuel Valls a par ailleurs sollicité l'autorisation des parlementaires pour la prolongation de l'intervention de l'armée française en Irak, afin d'"affaiblir Daech".

A ce propos, il a aussi de nouveau appelé l'Europe à une plus forte contribution aux opérations militaires menées par la France contre le jihadisme au Sahel, souhaitant que la solidarité ne soit non seulement "dans la rue" mais aussi dans les "budgets".

Un des principaux décrets d'application de la loi antiterroriste de novembre 2014, qui met en place l'interdiction de sortie du territoire français des candidats au jihad, sera publié mercredi en Conseil des ministres, a-t-on par ailleurs appris mardi auprès de Matignon, rapporte l'AFP. Ce décret porte également sur le volet de la loi créant une interdiction préventive du territoire aux terroristes étrangers qui voudraient entrer en France, a-t-on précisé de même source. Tous les décrets d'application de la loi seront "rapidement publiés dans les prochaines semaines", a assuré à l'AFP une source au gouvernement.

A présent, plus de 122.000 personnes sont affectées à la protection permanente "des points sensibles et de l'espace public" en France, a indiqué Manuel Valls.