L'échec de la négociation sur le dialogue social met le Medef et le gouvernement dans l'embarras

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1079  mots
François Rebsamen va rencontrer dès la semaine prochaine les organisations patronales et syndicales pour tirer les conclusions de l'échec de la négociation sur le dialogue social
L'interminable négociation sur le dialogue social s'est soldée par un échec. Le gouvernement doit reprendre la main. Il décidera dans quelques semaines s'il déposera un projet de loi sur la représentation du personnel et les seuils sociaux. Un échec largement du à l’attitude du Medef.

C'est raté ! L'interminable négociation sur la modernisation du dialogue social en entreprise s'est soldée par un échec ce jeudi 22 janvier. Le Medef a refusé d'émettre de nouvelles propositions pour rallier les syndicats à accepter son projet d'instituer dans les entreprises une seule instance de représentation du personnel : le « Conseil d'entreprise » Ce nouveau « Conseil » aurait eu vocation à remplacer toutes les instances actuelles existantes : délégués du personnel, comité d'entreprise, CHSCT, voire même les délégués syndicaux. Une grande révolution qui aurait abouti à remettre en cause des pans entiers du Code du travail. Un tel échec sur un accord de cette ampleur ne s'était plus produit depuis 1984, quand les partenaires sociaux avaient échoué sur la grande négociation pour flexibiliser le marché du travail. « Il ne faut pas s'acharner » a déclaré le négociateur du Medef, Alexandre Saubot.

Le gouvernement reprend la main et doit décider de l'opportunité de présenter un projet de loi

Il revient donc maintenant au gouvernement de reprendre la main... et ce ne sera pas de gaité de cœur. C'est François Rebsamen, le ministre du Travail, qui devra porter un éventuel projet de loi qui ne sera, juridiquement parlant, absolument pas obligé de reprendre des éléments de la négociation inachevée entre le patronat et les syndicats. Il rencontrera dès la semaine prochaine les organisations patronales et syndicales pour préparer une réunion avec le Premier ministre le 19 février où sera décidée l'opportunité ou non de présenter un projet de loi.
 Fin 2014, Manuel Valls avait assuré qu'un projet de loi serait présenté au " deuxième trimestre ". Mais, à cette époque, le Premier ministre devait penser que les négociations aboutiraient et que le texte de loi évoqué n'aurait pour seul but que de transposer l'accord... Les choses semblent avoir évolué. En présentant ses vœux au monde du travail, le 20 janvier, François Hollande avait précisé : " Ne demandons pas à la démocratie politique de régler ce que la démocratie sociale ne serait pas capable de faire elle-même. Et d'ajouter qu'il ne fallait pas compter "sur le législateur pour traduire les vœux des uns et des autres alors que les partenaires sociaux n'auraient pas réussi à conclure".

De fait, le président a raison d'être prudent. La loi Macron sur la croissance va arriver le 26 janvier devant l'Assemblée nationale. Le texte, édulcoré, devrait trouver une majorité socialiste pour le voter. Mais il a fallu déminer. Aussi, en pleine année électorale, le gouvernement n'a pas intérêt à prendre un nouveau risque en se présentant devant le Parlement dans quelques mois avec un projet de loi remettant en cause diverses instances de représentation du personnel... Un sujet hautement symbolique pour la gauche. Les « frondeurs » du PS, toujours à l'affût, ne laisseront pas passer cela. Et les débats risqueraient d'être très vifs au sein de la majorité... du plus mauvais effet.

Par ailleurs, manifestement, les propos présidentiels étaient destinés à également démentir ceux qui espéraient que le gouvernement reprendrait leurs idées en cas d'échec de la négociation. En l'occurrence le camp patronal.


Mardi dernier un conseiller gouvernemental tenait des propos prémonitoires :


« le Medef doit faire bouger les lignes pour qu'il y ait un accord. Il n'a pas intérêt à jouer la politique du pire en espérant que le gouvernement reprendra ses proposition dans un projet de loi s'il n'y pas d'accord. Nous ne jouerons pas les supplétifs. Si nous reprenons la main en cas d'échec des partenaires sociaux, ce sera avec nos propres propositions et pas celles du Medef. Ce dernier a donc intérêt à bien réfléchir. Même s'il fait des concessions, il obtiendra ce dont il rêve depuis longtemps, à savoir une simplification drastique des instances de représentation du personnel. A lui donc de jouer ».


Un échec largement du a l'attitude du Medef

Et bien non... Le Medef n'a pas assez fait bouger les lignes . « un échec collectif du aux ultras du Medef », explique le négociateur CFTC Joseph Thouvenel. De fait, c'est essentiellement au sein du Medef qu'il faut chercher les origines de cet échec. Alexandre Saubot était parvenu au bout de son mandat. Certaines fédérations, celles du Bâtiment et de la Propreté notamment, étaient contre l'idée - contenu dans le projet d'accord - d'instituer une forme de représentation du personnel pour les salariés des entreprises de moins de 11 salariés. Ces fédérations avaient accepté du bout des lèvres l'idée de créer des commissions paritaires régionales extérieures à l'entreprise.

Mais ces mêmes fédérations, rejointes par d'autres, rêvaient aussi de réduire a minima  la représentation du personnel dans les plus grandes entreprises. Les débats se sont ainsi focalisés sur les CHSCT. Ce comité hygiène et sécurité disparaissait purement et simplement, remplacé par une simple « commission » obligatoire, dépourvue de la personnalité morale, rattachée au Conseil d'entreprises dans les sociétés de plus de 300 salariés. C'était trop pour les syndicats. Même les plus conciliants, a savoir la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, se sont acharnés « à sauver la peau » du CHSCT. Mais le Medef n'a pas voulu lâcher un peu de lest.

Il a sans doute eu tort car, il n'est pas du tout certain, s'il se décide à présenter un projet de loi, que le gouvernement reprenne à son compte cette idée de faire disparaître le CHSCT... Une instance confortée et renforcée par les emblématiques lois Auroux de 1982.

Morale de cette histoire : le Medef ne peut s'en prendre qu'à lui-même. Il a été trop gourmand au-lieu de pratiquer la politique des « petits pas ». S'il avait lâché un peu de lest, il aurait eu un accord. Pas totalement réjouissant pour l'organisation patronale, certes... Mais il suffisait au Medef d'être un peu patient et de remettre le sujet sur la table dans quelques temps. Il risque d'y avoir du règlement de compte en interne.
En attendant , pour l'instant, l'instance du comité d'entreprise est sauvée, ses prérogatives ne seront pas diluées dans un instance unique censée s'occuper de tout. Mais l'histoire n'est pas finie...