Dialogue social : ce que pourrait prévoir le prochain projet de loi

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  915  mots
François Rebsamen présentera un projet de loi pour moderniser le dialogue social en entreprise.
Le ministre du Travail, François Rebsamen, commence à plancher sur un projet de loi modernisant le dialogue social, après l'échec de la négociation sur ce sujet. Le CHSCT serait maintenu, et l'actuelle "délégation unique du personnel" serait davantage favorisée.

Il y aura bien une loi sur la modernisation du dialogue social en entreprise. Le Ministre du Travail François Rebsamen l'a une nouvelle fois assuré ce jeudi 29 janvier. Reste à savoir quand et, surtout, quel en sera le contenu. Après l'échec de la négociation sur ce sujet il y a une semaine entre les organisations patronales et syndicales, le gouvernement est donc disposé à reprendre la main... sans trop se presser.

De fait, le sujet est assez détonant. Il relève même de la patate chaude dont l'on voudrait bien se débarrasser. Avec des députés socialistes « frondeurs » en embuscade permanente et un congrès du Parti socialiste en juin, il va falloir beaucoup de tact au ministre du Travail pour ne pas apparaître comme un pourfendeur du code du Travail en remettant en cause l'existence d'institutions représentatives du personnel.

François Rebsamen a donc commencé à déminer. Il reçoit ainsi actuellement successivement toutes les organisations patronales et syndicales pour connaître leurs desiderata. Puis, après une réunion de synthèse dans une dizaine de jours, les partenaires sociaux seront reçus le 19 février par Manuel Valls. On connaîtra alors davantage les intentions du gouvernement.

Pour autant, à travers quelques confidences gouvernementales, on commence à entrevoir ce qu'un futur projet de loi sur le dialogue social pourrait proposer.
D'abord, les conseillers du gouvernement ont examiné à la loupe les dernières propositions patronales lors de la négociation avortée. Ainsi également que les principaux points d'achoppement avec les syndicats.

Vers un maintien du CHSCT

Ainsi, il est quasi certain que la future loi ne viendra pas remettre en cause l'existence du « comité d'hygiène, sécurité et conditions de travail » (CHSCT)  qui peut, actuellement, être institué dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Dans un entretien au « Journal du dimanche » du 25 janvier, François Rebsamen a clairement laissé entendre que le CHSCT demeurerait en tant qu'institution autonome dotée de la personnalité morale.

Le Medef, lui, espérait n'en faire qu'une « commission » - certes obligatoire dans les entreprises de 300 salariés et plus - rattachée à un futur « Conseil d'entreprise », une institution unique qui viendrait remplacer toutes celles existantes actuellement : le CHSCT, les délégués du personnel, le comité d'entreprise, voire les délégués syndicaux.

François Rebsamen a bien compris qu'il y avait un point de blocage sur le CHSCT, ce que confirme à La Tribune Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, qui a rencontré le ministre « Je crois que le ministre a bien enregistré notre demande de conserver un CSCT autonome ».

Certes mais pour autant le ministre du Travail semble souhaiter que le CSCT soit centré sur ses tâches « quotidiennes ». Ainsi, la future législation pourrait revenir, par exemple, sur le rôle du CHSCT en cas de plan de licenciements économiques (PSE). Actuellement, la saisine du CHSCT peut conduire à rallonger la procédure du PSE. Il n'est pas certain que cela demeure possible.

Des réunions regroupant toutes les instances

Par ailleurs, le ministre a semblé sensible à une autre proposition de FO pour rationaliser et simplifier le dialogue social. Lorsqu'une future décision d'un employeur doit conduire à informer les différentes instances du personnel - en cas de vente, de plan social, de modifications des horaires de travail, etc.-  il serait à l'avenir possible de convoquer en même temps toutes ces instances au cours d'une seule séance d'information, ce qui éviterait de multiplier les séances de concertation... et pourrait constituer une alternative au projet de « conseil d'entreprise » souhaité par le Medef.

A priori également, le ministre du Travail a bien compris que les syndicats tenaient à ce que la négociation d'entreprise demeure le monopole des délégués syndicaux.... Lorsqu'il y en a.

Des délégations uniques du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés

De même, François Rebsamen pourrait reprendre à son compte les propositions patronales tendant à simplifier la concertation en cas d'établissements multiples (comité central d'entreprise et comité d'établissement).

Surtout, toujours pour simplifier les fameux seuils sociaux, grande demande patronale, le prochain projet de loi pourrait étendre la possibilité d'instituer une « délégation unique du personnel » (DUP). Cette DUP permet, par simple décision unilatérale de l'employeur - après information des représentants du personnel - de fusionner les délégués du personnel et le comité d'entreprise dans une instance unique.

Actuellement, il est possible d'instituer une DUP dans les entreprises de 50 à 200 salariés. Or, seulement 28% de ces établissements y ont eu recours. Il est envisagé de porter à 300 le plafond d'implantation des DUP.

Des commissions paritaires à l'extérieur des TPE

Concernant les très petits établissements de moins de 11 salariés qui, légalement, n'ont droit actuellement à aucune instance de représentation du personnel, le prochain projet de loi pourrait reprendre à son compte le projet du Medef et de l'UPA (artisans employeurs) - très combattu par la CGPME qui ne voulait pas en entendre parler - d'implanter des commission régionales paritaires où siégeraient des représentants syndicaux et patronaux.

L'autre option serait d'implanter ces commissions au niveau des branches afin qu'elles soient plus proches du terrain et, surtout, davantage en phase avec les problèmes rencontrés. En tout état de cause, pas question que ces commissions puissent rentrer dans les entreprises.
On en saura davantage dans les semaines à venir.