François Hollande ou les habits neufs d'un président

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  902  mots
Le besoin de maintenir la cohésion nationale a été le point central de la cinquième conférence de presse de François Hollande
Lors de sa cinquième conférence de presse. François Hollande a cherché à faire perdurer "l'esprit du 11 janvier." Mettant délibérément de coté les questions économiques, Il a surtout insisté sur le besoin de rétablir la cohésion nationale.

Indéniablement, François Hollande n'a pas raté sa cinquième conférence de presse du quinquennat. Tout à sa volonté de prolonger « l'esprit du 11 janvier », le Président de la République a tenu à prendre de la hauteur, à se (re) présidentialiser. Sur la forme, pas (ou très peu) de petites blagues, un ton grave, un positionnement très régalien. Sur le fond, un inversement des priorités par rapport aux conférences de presse antérieures : très grande prédominance des sujets touchant à l'international ou à la « cohésion nationale » et la portion congrue laissée aux problèmes économiques et sociaux. Un choix délibéré.
Le locataire de l'Elysée a, à de très nombreuses reprises, fait référence aux valeurs de la République, au besoin d'assurer l'unité du pays après les drames qui l'ont frappé en début d'année

Des mesures pour restaurer la cohésion nationale


«L'esprit du mois de janvier 2015, c'est l'unité de la République. Cette exigence, ce message n'efface pas les différences, les sensibilités, les clivages, mais les dépasse dans une force qui va à l'essentiel: assurer la cohésion du pays pour le faire avancer, pour le faire réussir (...) Cet esprit-là, je dois le prolonger » a déclaré le président.
Et de dévoiler son programme protéiforme pour maintenir cette cohésion. Restaurer l'égalité entre les territoires, avec la tenue d'un comité interministériel sur le « peuplement » afin de mieux assurer  la mixité et la répartition des logements sociaux. Création d'une agence pour le développement économique des territoires sur le modèle existant de l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru).

Il était également attendu sur le service civique réservé aux jeunes de moins de 25 ans. Ces derniers temps, les débats avaient fait rage de savoir s'il fallait rétablir le service militaire ou bien rendre obligatoire un service civique pour tous les jeunes... François Hollande a tranché.  Il souhaite dès le 1er juin l'instauration d'un service civique « universel ».  Ce qui signifie qu'aucun jeune, faute de moyens ou de places, ne peut se voir débouter de sa demande d'effectuer un service civique de 8 mois. Ce sont environ 150.000 jeunes qui seront concernés.

Le Président a également assuré que des moyens supplémentaires seront alloués à l'école pour former les maîtres, lutter contre l'illettrisme ou instituer des cours d'instruction civique tout au long de la scolarité.... Toujours au nom de la « cohésion » nationale.
Mais tout à sa fonction régalienne, François Hollande a aussi expliqué que les menaces pesant sur la France obligeaient aussi le pays a poursuivre ses opérations extérieures au Mali ou au Proche-Orient. A cet égard, lui le chef des armées, a promis de « sanctuariser » les dépenses militaires qui ne connaîtront plus de baisses... A défaut d'être augmentées.

Quant Hollande refait le "coup" de Mitterrand à Sarajevo

Il a également exprimé ses craintes pour la stabilité de la France et de l'Europe avec le conflit ukrainien « à quelques heures de vol de Paris ».
Et c'est à cette occasion que le président a sorti son atout vedette en annonçant qu'il s'envolait l'après-midi même avec Angela Merkel pour Kiev afin de porter de nouvelles propositions franco-allemandes en faveur de la paix. Propositions que les deux leaders européens présenteront également à Vladimir Poutine vendredi 6 février à Moscou.
Un coup de maître, destiné à « le présidentialiser » encore davantage, à montrer son importance sur la scène internationale... Nicolas Sarkozy a dû apprécier en connaisseur.


En fait François Hollande a  volontairement réitéré le « coup » de François Mitterrand qui, en pleine guerre dans les Balkans, avait annoncé le 28 juin 1992 qu'il se rendait à Sarajevo alors assiégée par les forces serbes... Incontestablement, même les pires adversaires de François Hollande y verront un joli coup.

La portion congrue pour les questions économiques

Sur le plan économique et social, François Hollande n'avait pas grand-chose à dire. Il attend et espère recueillir prochainement les fruits du pacte de responsabilité. Se disant, encore une fois, totalement investi dans la lutte contre le chômage, le Président a confirmé les réformes à venir pour compléter la «boite à outils » déjà disponible : plan pour la l'insertion des jeunes (apprentissage, aide à la création d'entreprise) ; lutte contre le chômage de longue durée - Le ministre du Travail doit présenter son plan jeudi 9 janvier -; projet de loi sur le dialogue social qui va venir suppléer l'échec de la négociation entre les organisations syndicales et patronales ; actualisation de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l'emploi avec en ligne de mire, notamment, l'extension des accords de « maintien de l'emploi ».

Rien d'extraordinaire donc, aucune réelle nouveauté. Mais ce n'était pas, pour une fois, le thème central de cette conférence de presse. L'important était ailleurs. Il s'agissait pour François Hollande de prolonger l'élan du début janvier quand sa gestion de la crise a été unanimement saluée. Il veut absolument perdurer dans les habits du président qui protège et réconcilie le pays. Une carte à jouer pour 2017.... Une façon de signifier à certain(e) que personne ne possède le monopole des valeurs françaises.