Loi Macron : pourquoi l'UMP frise l'inconscience

Par Fabien Piliu  |   |  1077  mots
L'ancien chef de l'Etat s'oppose à la loi Macron
Avant que le gouvernement ne décide d'engager sa responsabilité sur le texte, la plupart des députés UMP avaient décidé mardi de voter contre le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques porté par Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie, répondant ainsi aux injonctions de Nicolas Sarkozy. Au-delà de sa pertinence politique et économique, cette stratégie est-elle de nature à rassembler les Français derrière l'ancien chef de l'Etat ?

Le 11 janvier, quatre jours après les attentats qui ont ensanglanté la France, Nicolas Sarkozy jouait des coudes pour parvenir aux premiers rangs du cortège qui défilait de la place de la République à celle de la Nation. Marine Le Pen s'étant exclue de cette manifestation de soutien aux victimes, l'ancien chef de l'Etat se devait, dans son esprit, en tant qu'unique représentant de l'opposition, d'afficher son émotion devant le plus grand nombre. On ne badine pas avec les valeurs de la République française : liberté, égalité, fraternité.

En revanche, l'ancien président de la République n'a pas les mêmes scrupules lorsqu'il s'agit de tenter de réformer le fonctionnement de l'économie française. Une croissance atone et un taux de chômage record qui atteint un niveau stratosphérique chez les 15-24 ans, ne sont pas des raisons assez bonnes pour continuer à faire de « l'union sacrée » post-attentats une règle de conduite.

Une opposition radicale et systématique

Déjà, lors des élections législatives partielles dans le Doubs, les Français avaient déjà pu se rendre compte de la déliquescence de cette union qui n'a désormais de sacrée que le nom. En ne soutenant pas le candidat socialiste, en n'appelant pas ses électeurs à voter pour lui, l'UMP a pris le risque d'offrir un siège de député à la candidate du Front national.
Le passage à l'Assemblée nationale du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques - un intitulé un rien pompeux -  portée et défendue par Emmanuel Macron, le ministre de l'Economie donne une occasion supplémentaire à l'UMP présidée par Nicolas Sarkozy de s'opposer frontalement à la politique économique du gouvernement.

Seuls quelques députés UMP - courageux, honnêtes intellectuellement ou simplement intelligents ? - ont décidé de braver les injonctions de l'ancien chef de l'Etat parmi lesquels deux de ses anciens ministres, Thierry Mariani et Frédéric Lefebvre. On notera aussi la dissidence de Hervé Mariton, ancien secrétaire d'Etat de Jacques Chirac et qui s'était porté candidat pour la présidence de l'UMP en novembre, élection remportée par Nicolas Sarkozy.

Des créations d'emplois à la clé ?

Leurs positions valent tous les discours. Pourquoi s'opposer à un texte qu'ils auraient pu bâtir et soumettre au vote des élus de la Nation ? Pourquoi s'opposer à des mesures comme la réforme partielle - des amendements sont passés par là - des professions réglementées, l'assouplissement du travail dominical et du travail en soirée, la réforme de la justice prudhommale, la libéralisation du secteur du transport par autobus ou du permis de conduire dont les effets positifs sur la croissance et l'emploi, même faibles, compenseront les éventuels effets négatifs ? Ce serait absurde !

Selon France Stratégie, la seule libéralisation du transport par autocar permettrait à terme la création de 22.000 emplois. Cette prévision serait trop optimiste ?  Serait-ce si grave si seulement 10.000, 15.000 ou même 5.000 emplois seulement étaient créés avec cette seule mesure ? Peut-on sérieusement penser que ce texte provoquera la fermeture d'offices notariaux ?

Ce n'est pas la première fois que l'UMP fait des contorsions dans le domaine économique. En janvier 2013, ses députés s'étaient abstenus lors du vote de l'accord national interprofessionnel (ANI) qui permet pourtant de flexibiliser le marché du travail, l'une de leurs obsessions.

L'économie française se porte-t-elle si bien pour s'opposer à la création de quelques centaines, de quelques milliers d'emplois permis par les mesures contenues dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ? Rappelons que le PIB n'a progressé que de 0,4% en 2014 et ne devrait augmenter que de 1% cette année. Si tout va bien. Quant au nombre de demandeurs d'emplois, il devrait continuer à grimper cette année. Le nombre de sans domicile fixe dans les grandes agglomérations ? Il a bondit de 44% entre 2001 et 2012 !

La loi Macron, un pied dans la porte

Il ne faut pas se leurrer. Comme l'a précisé François Hollande, ce texte n'est pas une révolution. Si l'on devait comparer ce texte à l'ensemble des réformes souhaitées par les économistes et contenues dans le rapport Pébereau, les rapports Attali, les recommandations de Bruxelles, de l'OCDE et du FMI, il n'est que l'extrême sommet de la partie émergée de l'iceberg. En revanche, il pourrait être l'avant-goût d'un ensemble de réformes plus vastes, notamment sur le marché du travail. Une fois la loi Macron définitivement adoptée, on en saura plus sur les intentions réformatrices du ministre de l'Economie à qui François Hollande a donné carte blanche dans ce domaine.

La politique de la terre brulée de l'UMP

En adoptant cette stratégie, l'UMP et de son président prennent un risque. En s'opposant à ce texte, ils n'adoptent ni plus ni moins que la politique de la terre brulée. Leur calcul est simple : plus la situation de l'économie française sera dégradée, plus les chances de Nicolas Sarkozy de bouter François Hollande hors de l'Elysée et de le remplacer seront fortes. Partisan et faisant totalement fi de l'intérêt général, ce jeu est très dangereux. Pour au moins deux raisons. La première : les Français sont favorables à la réforme et soutiennent la loi Macron. Publié en novembre, un sondage réalisé par Odoxa Consulting pour RTL indique que 57% des personnes interrogées veulent une accélération des réformes lors de la seconde partie du quinquennat. Dévoilé fin janvier, un sondage également réalisé par Odoxa indique que, s'ils étaient parlementaires, 61% des Français de droite comme de gauche, voteraient le projet de loi pour « la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ».

La seconde est plus profonde. Si l'économie française s'enlise, le risque d'explosion sociale devrait s'élever, favorisant la montée des extrêmes. Sachant que l'UMP, comme le PS entre 2007 et 2012, se contente surtout de s'opposer systématiquement à la majorité et ne formule pour l'instant aucune contre-proposition crédible dans le domaine économique, rien n'indique que les électeurs se jetteront dans ses bras en mai 2017. Il sera peut-être trop tard de défiler pour défendre les valeurs de la France : la liberté, l'égalité et la fraternité.