Recherche experts-comptables et forgerons désespérément !

Par Fabien Piliu  |   |  1208  mots
Les 474 entreprises du secteur de la forge et de fonderie ont besoin de main-d'oeuvre
Dans certains secteurs, les entreprises peinent à recruter des candidats. C'est notamment le cas des métiers de forgerons, de fondeurs et... d'experts-comptables.

A la télévision, sur les ondes radiophoniques ou dans les rues, la Grande muette prend des airs de Pôle emploi. Son objectif est clair : recruter 10.000 volontaires. Mais il n'y a pas que l'armée qui a besoin de nouveaux bras.

" On en parle peu mais les entreprises du secteur de la forge et de la fonderie ont des besoins importants de main-d'œuvre. Socle historique de l'industrie française, ce secteur souffre d'une image un peu biaisée, qui peut expliquer ses difficultés à recruter ", explique Jean-Luc Brillanceau, le directeur général de la fédération Forge Fonderie qui met en avant la richesse des postes proposés par les entreprises du secteur.

" Nous ne sommes plus à l'époque de Zola ! Certes, certains métiers traditionnels existent encore, exercés par des personnes qui doivent être physiquement robustes. Mais parce que les entreprises du secteur font énormément de recherche & développement, il existe aujourd'hui une palette très large de métiers nouveaux à la disposition des jeunes français. Les succès de l'aéronautique et du spatial reposent en très grande partie sur le savoir-faire de nos fondeurs et de nos forgerons ", poursuit Jean-Luc Brillanceau.

Des étudiants experts-comptables enthousiastes !

A l'autre extrémité du tissu économique, les experts-comptables peinent également à séduire de nouveaux candidats. Pourtant, la profession, une fois la formation entamée, séduit les étudiants. Il faut toujours goûter...

En effet, selon une enquête réalisée par l'institut MRCC pour le cabinet Denjean & Associés, et conjointement pour L'Étudiant et Compta Online, les diplômes de la filière expertise comptable / audit véhiculent une image nettement positive : aux yeux des sondés, la reconnaissance de ces diplômes par l'État ainsi que la valeur accordée à ces diplômes par les cabinets d'expertise comptable constituent de gros avantages sur le marché du travail même si ces professions sont parfois considérées comme stressantes et chronophages. Thierry Denjean explique :

" C'est un fait ! Voilà pourquoi les individus n'ayant pas une forte capacité de travail et de résistance à la pression, même s'ils ont de bonnes compétences techniques, ont intérêt à bien réfléchir avant de s'engager dans cette voie. Ce qui en fera de bons professionnels, c'est leur capacité d'adaptation à toutes les situations "

Autre enseignement de cette enquête, cette filière serait un véritable plan anti-chômage.

" Les deux-tiers des jeunes sondés jugent que l'expertise-comptable et le commissariat aux comptes font partie des secteurs privilégiés qui ignorent le chômage. En outre, 80% des étudiants pensent qu'un professionnel ayant une expérience en expertise-comptable/audit et désireux de changer de voie a la possibilité de se reconvertir dans de nombreuses autres activités ".

Des métiers actuellement en tension

Les difficultés de recrutement des entreprises ne se limitent pas à ces deux secteurs. Publiée à l'automne 2014, deux études, le "guide des secteurs qui recrutent" du Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ) et l'index mondial des compétences du cabinet de recrutement Hays mais également la campagne "Beau travail!" du Medef, ont mis en lumière les métiers actuellement en tension et indiquent les viviers d'embauches pour l'avenir.

Le secteur du numérique est particulièrement en difficultés. "Avec le 'papy boom', il va y avoir des trous à remplir partout. Un vrai souci ", s'alarmait Alan Thomson, le président du conseil d'administration de Hays lors de la publication de l'étude du numéro 1 mondial du recrutement de cadres et de professionnels qualifiés, évoquant une de " crise dramatique " dans le secteur de l'informatique. Selon cette enquête, 77% des entreprises françaises faisant appel à ses services jugeaient " difficile " le recrutement aux postes liés au numérique.

Outre le numérique, la santé, l'hôtellerie-restauration, le bâtiment et les travaux publics (BTP), la vente, la gestion des entreprises (comptabilité, finances) ont également des besoins importants de main-d'œuvre. Fin 2013, un rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) évaluait à 400.000 le nombre d'"emplois vacants" en France. Ce chiffre fut ensuite repris par François Rebsamen, le ministre de l'emploi et par le Medef, qui a identifié 115 métiers "en attente de recrutement" pour sa campagne "Beau Travail!", diffusé un temps sur les chaînes de France Télévisions.

Un problème national

Pour tenter d'équilibrer l'offre et la demande, le gouvernement a lancé le « plan 100 000 » qui se décide au niveau régional. Ainsi, dans le cadre de ce programme qui doit, s'il marche, réduire le nombre de demandeurs d'emplois et rendre les entreprises plus compétitives, les financeurs de la formation professionnelle continue (Agefiph, Opca, Pôle Emploi, Conseil régional, etc.) se sont concertés pour identifier, en Ile-de-France, 84 métiers offrant des opportunités d'emploi avérées.

Pour quel résultat ? Ils se sont entendus pour proposer aux franciliens près de 17 000 entrées supplémentaires dans des formations conduisant vers les métiers de 11 secteurs d'activité. A l'exception du secteur de la banque et des assurances, plutôt ouvert aux diplômés du supérieur, et du secteur de la santé, ouvert soit aux personnes peu qualifiées, soit aux personnes très qualifiées, la plupart des métier identifiés par leur code ROME (Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois), correspond à des qualifications de niveaux VI et V (sans diplôme, brevet des collèges, CAP, BEP). Ils peuvent évoluer en fonction du niveau d'encadrement ou d'expertise technique attendu. Dans ce cas, une qualification de niveau équivalent ou supérieur au bac (niveau IV, III et II) peut être requise pour exercer le métier proposé.

Plus globalement, le gouvernement compte sur l'apprentissage pour résoudre cette inadéquation entre l'offre et la demande de main-d'œuvre. Après avoir taillé dans le budget de l'apprentissage en 2013, le gouvernement a fait machine arrière en octobre. Dans le cadre d'une nouvelle campagne en faveur de l'apprentissage, un nouveau système d'aides a été annoncé. Il s'applique à toutes les entreprises de moins de 250 salariés et à tout nouveau recrutement d'apprentis, que ce soit le premier ou les suivants. Lors de la présentation de cette campagne, François Rebsamen a expliqué :

"Cette prime sera fixée à 1000 euros et portée à 2000 euros pour les TPE en y incluant la prime déjà existante pour les moins de 11 salariés. Cette prime prendra effet à compter de cette rentrée, c'est-à-dire au 1er juillet. Ce dispositif s'appliquera cette année sans condition, mais il ne sera prolongé à la rentrée de 2015 que pour les branches professionnelles qui auront signé un accord d'ici juin prochain"

Les nouvelles mesures permettront-elles au gouvernement d'atteindre son objectif de former 500.000 apprentis d'ici 2017 ? L'affaire est plutôt mal engagée. En 2013, dernier chiffre connu, le nombre d'apprentis, a fléchi de 3,1% par rapport à 2012, en raison essentiellement d'une baisse brutale des entrées en apprentissage (-14 700) en 2013, soit 6,5% de moins qu'en 2012. Toujours en 2013, 273.000 nouveaux contrats d'apprentissage ont été comptabilisés dans le secteur privé, soit une baisse de 8% par rapport à 2012, après deux années de légère hausse, indique la Dares.