La Chine s'inquiète de la crise de la dette sur les deux rives de l'Atlantique

Par Line Say  |   |  556  mots
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La Chine possède plus de la moitié de ses réserves de change libellés en dollars et en euros. Avec la crise de la dette souveraine en Europe et aux Etats-Unis, les autorités "ont de quoi s'inquiéter", estiment nombre d'experts.

Comme le montre la combinaison de "Wei" (dangereux) et "Ji" (opportunité) qui donne le mot  "crise" en mandarin, les Chinois ont souvent considéré la crise comme une opportunité. Mais avec la croissance des dettes publiques qui ébranle les deux rives de l'Atlantique, peut-être ont-ils oublié qu'il s'agissait également d'un danger.

Avec leur boom économique, les Chinois avaient parié sur les Etats-Unis. Ils considéraient les bons du Trésor américain comme sûrs et rentables, et sont rapidement devenus premier détenteur étranger de ces bons. Mais la situation a pris une nouvelle dimension ce mois-ci, les agences de notation américaines et même chinoise menaçant désormais de dégrader la note de la dette américaine. Avec plus d'un tiers de leurs réserves de change en dollars, une baisse de la valeur des bons du Trésor avec un risque allant jusqu'au défaut de paiement serait une très mauvaise nouvelle pour les Chinois, selon plusieurs économistes. Mercredi, un porte-parole de Pékin a d'ailleurs appelé les Etats-Unis à "adopter des mesures pour garantir les intérêts des investisseurs" en réaction à l'annonce de l'agence de notation Moody's sur le placement sous surveillance de la dette américaine.

Selon un rapport de Standard Chartered publié le 20 juin dernier, la Chine aurait d'ailleurs commencé depuis janvier à se diversifier davantage qu'auparavant. La différence entre les réserves de change chinoises en dollars et les dettes américaines auraient atteint un pic de 150 milliards de dollars cette année, alors que les réserves de change ont augmenté de 76% durant la même période. Selon l'économiste Stephen Green, "cela montre clairement que la Chine a commencé à appliquer une politique de diversification de ses réserves de change."

Si la Chine arrête d'investir dans les bons américains, qu'achète-t-elle à la place ? "L'Europe est la seule région ayant un marché de la dette suffisamment important pour pouvoir absorber les nouvelles réserves accumulées de janvier à avril", souligne Standard Chartered. Lors de sa visite en Grèce en octobre 2010, le Premier ministre Wen Jiabao s'était engagé à soutenir le programme d'aide au pays par l'UE et le Fonds monétaire international, rapportait à l'époque l'agence officielle chinoise Xinhua. Pékin a ainsi souscrit de 10% à 15% des émissions des emprunts du Fond européen de stabilité financière (FESF) mis en place en mai 2010. Les chinois détiennent aujourd'hui l'équivalent de 700 milliards de dollars de dette européenne.

Mais depuis  la crise obligataire est en passe de contaminer toute la zone euro, et les dirigeants européens peinent à trouver une réponse commune. Les résultats des "stress tests" bancaires qui seront publiés ce vendredi risquent d'accroître l'inquiétude créée par  la possibilité de défaut de paiement d'Athènes. "Les Chinois ont de quoi être préoccupés",  juge Stephen Green.

La Chine aurait-elle fait une erreur en investissant autant dans l'obligataire européen et américain ? Pour le moment,  les autorités chinoises se montrent discrètes et poursuivent les affaires. Jeudi, le ministre du Commerce chinois, Chen Deming, et le commissaire européen, Karel De Gucht, ont annoncé que des négociations allaient s'ouvrir rapidement entre la Chine et l'Union européenne pour trouver des accords facilitant les investissements réciproques.