Dette américaine : les négociations à nouveau dans l'impasse

Par Jérôme Marin, à New York  |   |  922  mots
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John Boehner, le président républicain de la Chambre des représentants, a décidé de mettre un terme aux discussions menées depuis plusieurs jours avec la Maison Blanche. A dix jours de l'échéance, tout repart de zéro.

Nouveau rebondissement à Washington. A dix jours de la date limite pour relever le plafond de la dette (le 2 août), les négociations menées ces derniers jours entre Barack Obama et John Boehner se sont soldées par un cuisant échec. "A cause de visions différentes de notre pays", a expliqué le président républicain de la Chambre des représentants aux membres de son parti. "Nous n'avons jamais été proche d'un accord", a-t-il poursuivi alors que la presse américaine s'était montrée plutôt optimiste sur l'issue de ses discussions.

Au cours d'une conférence de presse, Barack Obama a regretté que son interlocuteur soit passé à côté d'un "accord extraordinairement juste". Ce nouveau plan de réduction des déficits publics - une condition indispensable pour que le Congres accepte de procéder au relèvement du plafond - portait sur une baisse des dépenses de 3.000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. En outre, le président américain avait accepté que les hausses d'impôts ne soient programmées qu'à compter de la fin 2012, pour un montant de 1.000 milliards de dollars sur dix ans.

C'est sur ce dernier point que les négociations ont buté. Les représentants républicains s'opposent toujours à un renforcement de la fiscalité, notamment par l'intermédiaire de la suppression d' avantages fiscaux dont bénéficient les ménages les plus riches et de grandes entreprises, comme les compagnies pétrolières. Mardi dernier, ils avaient d'ailleurs adopté une initiative baptisée "Couper, plafonner, équilibrer". Un texte extrême, provocateur et symbolique qui aurait provoqué 5.500 milliards de dollars de coupes budgétaires au cours de la prochaine décennie, sans la moindre hausse d'impôts. Ce texte a été rejeté vendredi par le Sénat.

"Je suis allé très loin pour tenter de trouver un compromis", a poursuivi Barack Obama, visiblement très remonté, se demandant ce qu'il faudrait aux républicains pour qu'ils acceptent ses propositions. "Ils vont devoir m'expliquer comment ils comptent éviter un défaut de paiement", a-t-il poursuivi, précisant qu'une rencontre était prévue samedi en fin de matinée. Faute d'accord validé au 2 août, l'État ne pourra alors plus s'endetter, sera contraint de réduire drastiquement ses dépenses, et pourrait se retrouver en situation de défaut sur le remboursement de ses emprunts obligataires.

"La Maison Blanche n'est tout simplement pas décidé à mettre fin à la boulimie des dépenses publiques qui détruit des emplois et met en danger le futur de nos enfants", avait fait savoir John Boehner, peu avant la conférence de presse de Barack Obama. "J'ai décidé de mettre un terme aux discussions avec la Maison Blanche et d'entamer des conversations avec le Sénat pour déterminer la marche à suivre."

Au Sénat justement, un groupe bipartisan de sénateurs, baptisé le "Gang des six", avait trouvé en début de semaine un compromis sur un plan combinant baisse des dépenses publiques, réforme des programmes sociaux et hausse des recettes fiscales. Ce projet permettrait de réduire de 3.700 milliards de dollars la progression attendue de la dette au cours des dix prochaines années. 74% de ce montant proviendrait de coupes budgétaires, touchant notamment au système de retraite et à l'assurance santé des personnes âgées Medicare. Le reste (26%) serait dégagé par une hausse des impôts, en échange d'une profonde réforme de la fiscalité.

Présenté aux sénateurs, ce plan a reçu un accueil plutôt favorable des deux côtés de l'échiquier politique. Mais il ne suscite pas le même enthousiasme à la Chambre. Les représentants démocrates, moins modérés que leurs confrères du Sénat, rejettent toujours des coupes dans les programmes sociaux. "Nous ne supporterons pas ces propositions", avait expliqué Nancy Pelosi, leur chef de file. Côté républicain, les hausses d'impôts provoquent la fureur du Tea Party, dont le poids et l'influence sont plus importants à la Chambre qu'au Sénat. Eric Cantor, le numéro deux du parti républicain à la Chambre, s'était, lui aussi, montré sceptique "sur l'objectif en termes de recettes".

Pour s'offrir un délai supplémentaire, Barack Obama s'est dit prêt à accepter une hausse à court terme du plafond, hypothèse qu'il avait jusque là toujours refusée. Car la date butoir fixée par la Maison-Blanche, pour qu'un accord puisse être adopté à temps, a été atteinte ce vendredi. Certes, il reste encore jusqu'au 2 août pour négocier. Mais chaque jour qui passe resserre un peu plus le calendrier et réduit d'autant la marge de man?uvre, alors même que les débats au Sénat et surtout à la Chambre des représentants menacent de durer.

En cas d'impasse, le Congrès pourrait se rabattre sur la solution de secours proposée par le républicain Mitch McConnell. Ce projet permettrait au président de relever le plafond de la dette de 2.500 milliards de dollars, en passant outre l'opposition du Congrès. Il serait accompagné de 1.500 milliards de dollars de coupes budgétaires, discutées au sein d'un comité bipartisan. Accueillie favorablement par certains responsables démocrates, cette proposition est rejetée par de nombreux républicains. Elle suscite même une réticence croissante ces derniers jours.

Et pour ne rien arranger, la Chambre des représentants a décidé de prendre son week-end. L'horloge, elle, continue de tourner...