Les marchés ne veulent rien entendre

Par Frank Paul Weber  |   |  518  mots
Copyright Reuters
Les initiatives politiques du week-end, l'intervention de la BCE n'ont en rien calmé les marchés qui se sont à nouveau effondrés hier.

Dimanche 7 août 2011 restera pour le moins dans l'histoire comme un jour de communiqués importants et multiples. Le président français et la chancelière allemande, les ministres des Finances et les gouverneurs de banque centrale des pays du G7 et ceux du G20, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) : tous se sont empressés de rassurer les marchés financiers avant l'ouverture de leurs séances. Las, ces multiples communiqués n'ont pas suffi à ramener la confiance sur les places financières. De Wall Street à Francfort en passant par Paris, les valeurs ont dévissé. En Europe, la BCE est désormais sur la corde raide. L'institution de Francfort a dû se résoudre à ? presque ? annoncer officiellement racheter des titres des dettes espagnole et surtout italienne pour calmer les marchés et céder à la pression non seulement de ces deux États membres en difficulté mais aussi de Paris, voire de Berlin. La vice-présidente du gouvernement espagnol, en charge de l'économie, Elena Salgado, a mis les pieds dans le plat en appelant « la BCE à faire son devoir et aider à la stabilité des marchés de la dette ».

À Rome, on ne disait pas autre chose faisant état d'un véritable marchandage entre la BCE et le gouvernement de Silvio Berlusconi. Dans la capitale italienne, on ne parlait lundi que d'une lettre conjointe au président du Conseil Silvio Berlusconi écrite par l'actuel président de la BCE, Jean-Claude Trichet, et son successeur l'Italien Mario Draghi et actuel gouverneur de la Banque d'Italie. Dans cette missive, les deux banquiers centraux exhortaient le Cavaliere à mettre en oeuvre rapidement libéralisations, privatisations et autres réformes urgentes du marché du travail afin de relancer l'économie. Silvio Berlusconi ayant accepté vendredi soir ce qu'il n'avait pas voulu faire deux jours plus tôt devant son Parlement (l'anticipation à 2013 de l'objectif d'équilibre budgétaire), l'Italie se sent mise sous tutelle. Le peu européen Umberto Bossi, allié de Berlusconi au gouvernement, a lui-même souligné qu'« en Europe la BCE pèse de tout son poids » et qu'elle « nous contraint de façon positive ».

Mais ainsi les limites entre la BCE et les États membres sont de moins en moins claires. Dès décembre dernier, Mario Draghi avait justement mis en garde contre un rachat à grande échelle d'emprunts d'États membres de l'euro. « Je suis très conscient que nous pourrions facilement franchir la limite et perdre tout ce que nous avons, perdre notre indépendance et fondamentalement violer le traité de l'UE », déclarait-il. C'est la conviction des banquiers centraux comme Jens Weidmann, le chef de la Bundesbank allemande. La rumeur veut qu'il n'ait pas soutenu, avec quelques autres, le rachat d'emprunts italiens et espagnols. À quelques mois de son départ, Jean-Claude Trichet a apparemment mis tout son poids pour cette entorse à l'orthodoxie. Une ultime concession aux pays dépensiers. Ensuite, ce sont les États membres qui devront renflouer les banques centrales nationales et la BCE si elles devaient inscrire des pertes sur leurs placements en emprunts de la zone euro.