La BCE gagne du temps, mais la guerre ne fait que commencer

L'institution a repris « activement » son programme d'achat de dette, notamment italienne.
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Contrainte et forcée par les circonstances, la BCE n'en a pas moins réussi son coup de poker. Jusque-là arc-boutée sur son indépendance et sa crédibilité, l'institution a finalement apporté un grand bol d'air frais aux marchés obligataires italien et espagnol en annonçant dimanche soir qu'elle allait « mettre en oeuvre activement son "securities markets programme" (SMP) ». En clair, reprendre son rôle d'acheteur de dernier ressort, qu'elle avait abandonné depuis dix-neuf semaines en laissant son portefeuille bloqué à 74 milliards d'euros.

Selon des traders, les achats ont notamment porté sur la dette italienne et pourraient avoir totalisé plusieurs milliards d'euros, une somme colossale eu égard aux montants achetés en 2011. Et avec succès. Évoluant en sens inverse des prix, le taux à 10 ans italien chutait en fin d'après-midi de 80 points de base, à 5,28 %, son plus bas niveau depuis le 22 juillet, au lendemain de l'annonce du deuxième plan de sauvetage de la Grèce et du renforcement des capacités opérationnelles du Fonds européen de stabilité financière (FESF). La détente a été plus marquée sur le taux à 10 ans espagnol, qui chutait de 88 points à 5,15 %. Un niveau inconnu depuis le 25 mars dernier et tout juste supérieur à son plus bas niveau de 2011 (5,01 % le 2 février).

Cette intervention salvatrice ne constitue en aucun cas un chèque en blanc de la BCE. Son président, Jean-Claude Trichet, avait refusé jeudi dernier de confirmer la relance des achats de la BCE, se bornant comme toujours à souligner que le SMP était « en cours ». Si certains traders rapportaient alors la présence de l'institution sur les marchés portugais et irlandais, les tensions sont en revanche reparties de plus belle lundi sur les dettes italienne et espagnole.

Nouveaux pouvoirs

Dans son communiqué, la BCE justifie son intervention par la nécessité de « restaurer la transmission de [sa] politique monétaire ». Elle mentionne surtout l'engagement des gouvernements italien et espagnol à lancer « de nouvelles mesures et réformes budgétaires et structurelles », une condition essentielle, selon les observateurs, pour que la BCE accepte d'intervenir (« La Tribune » du 8 août). Enfin, celle-ci souhaite plus que jamais que « les gouvernements se tiennent prêts à activer le FESF sur le marché secondaire ».

Dans le contexte de tensions actuelles, l'institution européenne ne fait qu'acheter du temps pour que le processus démocratique suive son cours. À la suite des accords européens du 21 juillet, les Parlements européens doivent voter les nouveaux pouvoirs du FESF en septembre. Créée en mai 2010 et désormais dotée de 440 milliards d'euros de puissance de feu, cette structure prendra ainsi le relais des achats de la BCE en cas de crise, lui permettant de se concentrer sur sa mission première : gérer la politique monétaire de la zone euro en toute indépendance.

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