Irlande : le remboursement de 715 millions d'euros aux créanciers d'une banque fait polémique

Par Stanislas Jourdan  |   |  808  mots
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Malgré les difficultés financières du pays, le gouvernement irlandais doit rembourser aujourd'hui 715 millions d'euros aux créanciers privés de la banque Anglo. Une décision qui fait polémique en Irlande.

L'Irlande doit-elle continuer de rembourser les créanciers de la banque Irish Bank Resolution Corporation (IBRC) ? La question agite l'opinion publique irlandaise. Anciennement dénommée Anglo Irish Bank avant sa nationalisation puis fusion avec Irish Nationwide Building Society, les renflouements successfis de cette banque par l'Etat a déjà couté plus de 30 milliards d'euros au pays. Une véritable fortune pour ce petit pays au PIB de 160 milliards d'euros. D'autant que le pays doit appliquer des mesures d'austérité difficiles pour la population afin de respecter le plan de sauvetage du pays par l'Union européenne et le FMI, décidé par l'ancien gouvernement.

Agaçement des Irlandais

Dans ce contexte, le remboursement de 715 millions d'euros aux créanciers de la banque nationalisée Anglo passe mal dans l'opinion publique.

Dans une ultime tentative de faire pression sur le gouvernement, les Irlandais ont massivement contacté leurs parlementaires afin de leur demander de refuser le paiement de cette échéance. Selon le site contact.ie, qui s'est chargé de l'opération de lobbying, plus de 200.000 "emails" auraient été envoyés aux parlementaires irlandais afin de les sensibiliser au sujet.

La pilule passe d'autant plus mal que le Fine Gael, parti de centre droit au pouvoir, a été élu en février dernier sur la promesse de faire subir des pertes aux détenteurs de dette des banques du pays. 

"Un entrepôt pour actifs dépréciés"

En juin dernier, Michael Noonan, ministre des finances, déclarait encore à à la radio RTE : "Regardez, Anglo n'est plus une banque. Après sa fusion avec Nationwide, Anglo n'est plus qu'un entrepôt d'actifs dépréciés. Sa base de dépôts a été déplacée vers les banques piliers [du secteur financier irlandais]. Vous ne pouvez plus déposer votre argent chez Anglo. Vous ne pouvez plus obtenir un crédit de Anglo. La seule chose qui permette de donner le nom de banque à Anglo, c'est sa licence de banque."

Pressions de la BCE

Si plan de sauvetage conclu avec le FMI, l'Union européenne et la BCE n'empêche pas officiellement l'Irlande a faire défaut sur la dette de ses banques, c'est néanmoins face aux pressions de la BCE que le gouvernement irlandais a du faire marche arrière. Pour dissuader le gouvernement irlandais, la BCE a menacé le pays d'augmenter les taux de refinancement des banques irlandaises, qui dépendent à hauteur de 150 milliards d'euro des prêts de l'eurosystème.

En septembre dernier, l'ancien directeur de la banque centrale, irrité, finissait par lâcher aux journalistes : "pour parler franchement, je ne comprends pas très bien pourquoi ce sujet revient encore et encore".

Le problème parait pourtant très simple aux yeux des Irlandais : à quoi bon endetter le pays de 4 milliards de plus par an, augmenter les taxes et faire des coupes budgétaires, si c'est pour donner cet argent auxx créanciers d'une banque en quasi-faillite ?

L'absurdité est d'autant plus évidente que l'on ne connait pas l'identité des détenteurs d'obligations non sécurisées de la banque, même si on peut se douter qu'il ne s'agit plus des mêmes investisseurs depuis la nationalisation de la banque en 2009, qui se sont probablement pour la plupart déjà débarrassé de ces titres avec les dégradations successives de la note des banques irlandaises par les agences de notation.

La faute à l'opposition

Pour se défendre, le premier ministre Enda kenny a rejetté la faute sur l'ancien parti au pouvoir, le Fianna Fail. "Je dois avouer qu'il a été impossible de démêler l'accord pris par votre gouvernement", a déclaré le chef du gouvernement en s'adressant aux députés de l'opposition. Le ministre a également précisé que le précédent gouvernement a versé pas moins de 17 milliards d'euros aux créanciers de Anglo.

"Nous avons réussi à obtenir un allègement des intérêts de notre dette de 10 milliards d'euros, ce qui n'aurait pas été possible en faisant d&éfaut sur la dette de Anglo", a martelé le chef du gouvernment au cours d'une session parlementaire houleuse, marquée par le départ des député du Sinn Fein de l'assemblée. Ces derniers ont regretté de ne pas avoir pu avoir de "véritable débat" sur le sujet alors que Kenny a refusé de répondre à plusieurs questions.

L'affaire Anglo, qui fait l'objet d'un véritable feuilleton depuis plusieurs années en Irlande, est loin d'être terminée. En effet, Anglo a encore 2,7 milliards d'euros d'obligations non sécurisées à rembourser, dont 1,75 miliard qui arrivent à maturation dès janvier prochain. 

A défaut d'apprendre des erreurs de leur précédent gouvernement, les Irlandais peuvent toujours se consoler d'une rectification comptable qui vient de faire gagner 3,6 milliards d'euros au pays.