Le G20 divisé sur l'aide à la zone euro

Par Frank Paul Weber, envoyé spécial à Cannes  |   |  1141  mots
Copyright Reuters
"Presque aucun pays" du G20, en particulier ni la Chine, ni le Brésil, ne veut participer au Fonds européen de stabilité (FESF) a dû reconnaître vendredi à Cannes la chancelière Merkel. Or l'appui du Fonds monétaire international (FMI) au FESF pour lui permettre de prêter plus d'argent à un pays en difficulté reste extrêmement vague et sur un chemin pavé d'obstacles. Les Britanniques de tout bord ne veulent pas que l'argent du FMI finisse par aider la zone euro alors que la Banque centrale européenne (BCE) devrait le faire elle-même...

Le Sommet du G20 de Cannes s'est clos vendredi en laissant dans le vague l'appui financier de ses membres à la zone euro, en particulier via le Fonds monétaire international (FMI).

Dans leur communiqué final les vingt principales puissances économiques mondiales ont certes indiqué vouloir  "veiller à ce que le FMI continue de disposer des ressources nécessaires pour jouer son rôle systémique".

"Nous sommes disposés à faire en sorte que des ressources supplémentaires puissent être mobilisées rapidement" a même précisé le G20.
Selon la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, les ressources de son institution doivent ainsi être comprises comme "illimitées".
Interrogée sur la disponibilité de Pékin à renforcer les moyens du FMI, elle a indiqué "que la Chine ne s'est pas distinguée des autres partenaires du G20: ils ont tous souhaité un engagement sans limite, sans plancher, sans plafond et par conséquent sans chiffre pour que le FMI soit toujours en mesure de jouer son rôle systémique en cas de difficulté".

POUR QUI, COMMENT ET QUAND ?

Mais l'incertitude règne tant sur l'identité des possibles bénéficiaires de ces ressources ainsi dégagées, sur la manière que sur les délais.

Trois options sont à l'étude pour dégager de nouvelles ressources pour le FMI afin qu'il puisse jouer son rôle de pompier des crises économiques et financières.
Cet "éventail d'options" comprend "des contributions bilatérales au FMI, des DTS et des contributions volontaires à une structure spéciale du FMI, par exemple un compte administré".
Mais il n'est pas question d'augmenter ou de modifier les quotes-parts actuelles au capital du FMI : la réforme de l'an dernier de ces quotes-parts donnant un plus large poids à certains pays émergents n'a pas encore été ratifiée par tous les pays, notamment les Etats-Unis.

Le FMI aurait donc recours à l'emprunt auprès de ses membres sur une base bilatérale, ad-hoc. La présidence française du G20 a par exemple évoqué l'activation des Accords généraux d'emprunts (AGE) ou des Nouveaux accords d'emprunts (NAE) qui, à divers titres, ont permis d'injecter des ressources supplémentaires au FMI par le passé.

Mais l'idée étant de solliciter les grands pays émergents comme la Chine, assis sur d'énormes réserves de change, ce seront plutôt les NAE qui devraient être utilisés : les AGE sont des fonds prêtés par des pays industrialisés alors que la Chine est le troisième pays contributeur aux NAE , après le Japon et les Etats-Unis.

L'autre option serait de débloquer à des pays en difficulté des Droits de tirage spéciaux (DTS), c'est-à-dire l'actif de réserve international spécifique au FMI. Un détenteur de DTS peut les échanger librement contre des devises.

Nicolas Sarkozy a fait état d'un accord entre les pays du G20 "pour réfléchir et travailler sur les modalités de collaboration entre le FMI et le FESF afin d'élargir les capacités du Fonds européen".
"Parmi les voies sur lesquelles les ministres des Finances [du G20 lors de leur prochaine réunion de février 2012 au Mexique, NDLR] vont travailler les DTS sont clairement identifiés", a précisé le président français.

La dernière option pour soutenir le FESF est, comme l'a expliqué vendredi après-midi à Cannes la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, "la création d'un trust fund qui soit sous l'ombrelle du FMI et auquel pourraient contribuer des pays prêteurs notamment la Chine".

BRASILIA ET PEKIN NE VEULENT PAS PRETER AUX EUROPEENS

Sauf que le FESF en tant que tel semble ne pouvoir bénéficier de ce coup de pouce du FMI. Il faudrait le faire au cas par cas, car comme le rappelle Christine Lagarde, le FMI ne traite et ne prête qu'avec/à des Etats pas des entités comme le FESF.

Mais  "il n'y a presque pas de pays qui ont déjà signalé vouloir participer au FESF" a reconnu la chancelière Merkel. Les partenaires des pays européens se sont "tous très bien renseignés" sur le FESF mais ils semblent décliner l'offre d'y injecteur des fonds.

"La Chine a indiqué qu'elle pourrait contribuer via le FMI mais pas directement, cela vaut aussi pour nous" a déclaré la présidente brésilienne, Dilma Rousseff.

"Je n'ai aucune intention de faire une contribution directe au FESF" a souligné Dilma Rousseff, précisant que l'avantage du FMI est qu'il garantisse un prêt et que l'on ne peut utiliser l'argent durement gagné par les Brésiliens de "façon irresponsable" et qu'il faut le protéger.

LONDRES CONTRE L'ARGENT DU FMI EN FAVEUR DE LA ZONE EURO

Mais non seulement les pays émergents tirent les pieds pour contribuer au FESF, le Premier Ministre britannique a dû répéter à plusieurs reprises lors de sa conférence de presse que la Grande-Bretagne n'entendait pas mettre un penny à la disposition du FESF ni surtout contribuer à une hausse des ressources du FMI qui pourraient être utilisées pour soutenir la zone euro ou un de ses membres.

"L'Australie et le Canada sont dans la même situation que la Grande -Bretagne : prêtes à aider avec des ressources pour le FMI mais en même temps il n'est pas possible de demander au FMI de mettre son argent dans un fond de sauvetage de la zone euro" a lancé le Premier ministre britannique David Cameron à Cannes.

"La mission du FMI est d'aider les pays en difficulté pas de soutenir des systèmes monétaires" a-t-il précisé.

Il faut dire que son opposition, le Labour, met le gouvernement libéral-conservateur sous pression pour ne pas aider les économies en difficulté du continent.

Le responsable des Finances au Labour, "le chancelier fantôme" (shadow chancellor) Ed Balls avait vivement critiqué la veille au Parlement britannique la disponibilité signalée par David Cameron d'augmenter les ressources du FMI.

"Il ne peut y avoir de financement par le FMI pour combler le fossé dans le fonds de sauvetage [européen] et faire le travail que la Banque centrale européenne (BCE) devrait faire" a insisté Ed Balls.
Les ressources du FMI devant être sur le papier "illimitées", selon Christine Lagarde, il reste à fixer comment concrétiser ce principe, en faveur de qui et s'il sera possible d'attendre février prochain pour en savoir un peu plus.

Si l'Italie devait être placée sous le parapluie du FESF, la question de sa dotation et de son appui par le FMI, deviendrait urgente. Or la mise sous tutelle de Rome par la Commission européenne et le FMI indique qu'un basculement de la troisième économie de la zone euro n'est pas considéré comme improbable...