Ecarts de taux sur les marchés, Europe écartelée

Par latribune.fr, avec AFP  |   |  883  mots
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Alors que Merkel souhaite modifier les traités européens, les marchés ont déjà anticipé lors des dernières émissions obligataires une Europe à deux vitesses ou une "zone euro restreinte".

La crise de la dette dans la zone euro a contraint la France, et surtout l'Espagne, à payer jeudi le prix fort sur les marchés, toujours aussi fébriles en dépit des gages politiques donnés aussi bien par Rome que Madrid ou Athènes.

La journée a débuté dans la tension avec de nouveaux records sur le marché des emprunts d'Etat. Plusieurs pays de la zone euro, dont la France et l'Espagne, ont confirmé jeudi leur décrochage avec l'Allemagne, seul Etat de l'Union monétaire à inspirer encore vraiment confiance.

Ecarts de taux

L'écart des taux d'intérêt entre la France et l'Espagne d'une part et l'Allemagne d'autre part, s'est encore élargi jeudi matin, juste avant que Paris et Madrid se présentent sur les marchés pour lever plus de dix milliards d'euros.

L'Espagne a payé le prix fort

L'Espagne a certes réussi son pari mais au prix fort. Elle a emprunté 3,5 milliards d'euros sur dix ans à un taux record frôlant les 7%, un seuil considéré comme dangereux par les analystes. Pour mémoire, l'Allemagne emprunte sur dix ans au taux de 1,8%.

"L'Espagne se rapproche de la zone (d'un besoin) de sauvetage", réagissait le journal El Pais, exprimant un sentiment généralisé dans la presse espagnole. Faux, a rétorqué la ministre espagnole des Finances Elena Salgado, réfutant que son pays ait besoin d'une telle aide.

La France est restée à des taux raisonnables

La France est de son côté parvenue à emprunter près de sept milliards d'euros sur cinq et deux ans, mais là encore, la deuxième économie de la zone euro a payé cher. Le taux est toutefois resté raisonnable, ce qui a quelque peu rassuré les marchés. D'autant que la demande a été au rendez-vous aussi bien en France qu'en Espagne, signe que les investisseurs n'ont pas totalement perdu confiance.

"L'émission de la France est un peu meilleure que celle de l'Espagne. Pour les deux pays, les taux sont supérieurs aux précédents emprunts du même type mais on s'en doutait", a expliqué Dov Adjedj, du courtier Aurel BGC.

La tension s'est donc relâchée quelque peu, l'écart de taux entre la France et l'Allemagne, qui avait dépassé les 200 points de base en début de journée, se resserrant ensuite à 175. Les bourses sont toutefois restées dans le rouge, tout en limitant leurs pertes. "La thématique est toujours la même sur les marchés, celle d'une contagion de la crise. Cela devient l'Allemagne contre le reste de l'Europe, sur les marchés obligataires", relève Dov Adjedj.

Les investisseurs continuent de redouter que les taux exigés pour prêter aux Etats européens ne grimpent trop, ce qui augmenterait la facture pour des pays déjà aux prises avec l'austérité, et pèserait sur une croissance déjà fragile.

Les nouveaux gouvernements ne rassurent pas les marchés

Les nouveaux gouvernements en Grèce et en Italie n'ont pas non plus vraiment rassuré les marchés, en dépit des gages donnés sur leur volonté de poursuivre les efforts, un impératif pour l'Allemagne, première économie de la zone euro.

"Vous prenez vos fonctions dans une période difficile pour votre pays comme pour la zone euro dans son ensemble, dans laquelle de grands espoirs et de grandes attentes vous sont adressés. Il vous revient, ainsi qu'à votre gouvernement, de décider et de mettre en oeuvre rapidement des réformes décisives et nécessaires", a écrit la chancelière allemande Angela Merkel dans un message adressé à son homologue italien Mario Monti, qui vient de remplacer Silvio Berlusconi.

L'"avenir de l'euro dépendra aussi de ce que fera l'Italie dans les prochaines semaines", a confirmé jeudi M. Monti, dans son premier discours au Sénat, avant un vote de confiance prévu en soirée.

Il a promis de s'attaquer au système des retraites et au marché du travail, deux réformes structurelles réclamées par l'Union Européenne et attendues par les marchés.

"L'Europe vit ses années les plus difficiles de l'après-guerre", a poursuivi le nouveau chef du gouvernement italien, en soulignant que "le projet européen ne pourrait pas survivre à une éventuelle faillite de l'union monétaire".

En Espagne, le favori des élections législatives de dimanche prochain, le dirigeant de la droite Mariano Rajoy, n'a pas attendu le résultat de ce scrutin pour multiplier les paroles apaisantes.

Il "faudra faire des coupes partout" sauf dans les retraites, afin de tenir la prévision de réduction du déficit public, a-t-il promis. "Tout le monde doit savoir que pour mon gouvernement, la priorité sera de tenir les engagements de l'Espagne à Bruxelles", a-t-il affirmé.

Mais les cures d'austérité qui se généralisent en Europe ont de plus en plus de mal à passer dans la rue. Des milliers de personnes ont commencé jeudi après-midi à manifester à Athènes contre les mesures de rigueur préparées par le nouveau gouvernement grec de coalition de Lucas Papadémos. Ce dernier a obtenu mercredi la confiance du Parlement avec une avance confortable, mais sa majorité n'est toutefois pas exempte de tiraillements.