Bruxelles propose de troquer la surveillance budgétaire contre les euro-obligations

Par latribune.fr, avec AFP  |   |  894  mots
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La Commission européenne a proposé ce mercredi des mesures pour renforcer très nettement la surveillance des pays de la zone euro, prévoyant que leurs projets de budget soient examinés à Bruxelles à l'avance et puissent être modifiés si nécessaire. La Commission présentait également son livre vert sur l'éventuelle mutualisation des dettes européennes.

"Sans une gouvernance économique renforcée, il sera difficile sinon impossible de maintenir une monnaie commune", a prévenu le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, devant la presse.

Si les nouvelles propositions sont adoptées par les gouvernements et le parlement européens, tous les pays de l'union monétaire devront soumettre leurs projets annuels de budget à la Commission et à l' Eurogroupe - le forum des ministres des Finances des dix-sept Etats de la zone euro - avant le 15 octobre (de l'année précédant l'exécution du budget).

Si un projet de budget ne respecte pas les exigences du pacte de stabilité et de croissance, qui interdit les déficits supérieurs à 3% du PIB, "la Commission aura le droit de donner son opinion et de demander des changements", a expliqué Barroso.

Les budgets nationaux devront par ailleurs être élaborés en se fondant sur des prévisions réalisées par des organismes indépendants. Quant aux Etats déjà placés en procédure de déficit excessif, ils feront l'objet d'un contrôle encore accru. Ils devront donner des informations régulières à la Commission sur les mesures qu'ils prennent pour corriger la situation tout au long du processus budgétaire, c'est-à-dire également au moment de l'exécution de leur loi de finance.

Le degré maximal de contrôle, proche de la tutelle, est prévu pour les Etats les plus fragiles de la zone euro , ceux placés sous programme d'assistance extérieure, comme aujourd'hui la Grèce, le Portugal ou l'Irlande, ou ceux présentant des risques sérieux d'instabilité financière, seront sous "surveillance étroite de la Commission, en lien avec la Banque centrale européenne".

Si la Commission tire la sonnette d'alarme, l'Eurogroupe pourra recommander à ces pays de demander une assistance financière et de préparer un programme d'ajustement économique. Alors qu'aujourd'hui cette décision relève des pays eux-mêmes.

Les Etats sortant d'un programme d'assistance devront en outre continuer à se plier à ces règles tant qu'ils n'auront pas remboursé 75% de l'aide reçue. Ce projet de contrôle renforcé, dont les grandes lignes avaient déjà été dévoilées la semaine dernière, a suscité des remous au parlement européen. Le député "eurosceptique" tchèque Jan Zahradil a dénoncé "une forme de dictature budgétaire dirigée depuis Bruxelles, Francfort, Paris et Berlin".

"Nous ne devons pas opposer le processus démocratique national au processus démocratique européen, nous avons besoin des deux", a rétorqué mercredi Barroso.

Trois scénarios pour les eurobonds

En échange d'une discipline budgétaire de fer, la Commission fait miroiter une plus grande solidarité financière dans la zone euro via la création d'euro-obligations. Elle a présenté en parallèle un "Livre vert" sur la création de ce mécanisme de mutualisation des emprunts publics des pays de la zone euro, alors que l'Allemagne le voit d'un très mauvais oeil.

L'Allemagne est plus que réservée car elle voit le danger avec les euro-obligations d'un encouragement au laxisme budgétaire des Etats qui pourraient être ainsi protégés sous le parapluie commun.

Trois options sont détaillées dans le livre vert : "la plus efficace" consisterait à remplacer les emprunts obligataires nationaux actuellement émis séparément par les dix-sept membres de la zone euro par des euro-obligations bénéficiant de garanties communes.

Une deuxième option intermédiaire serait de créer des euro-obligations bénéficiant également de garanties communes mais qui ne couvriraient qu'une partie des besoins de refinancement des Etats.

La troisième, et la seule qui ne nécessiterait pas un changement de traité européen, consisterait en euro-obligations qui se substitueraient partiellement aux obligations nationales et pour lesquelles chaque Etat serait tenu d'apporter des garanties.

Pas d'opposition absolue

Barroso s'est dit encouragé mercredi par les récentes réactions en Allemagne concernant la création éventuelle d'euro-obligations, l'opposition portant à ses yeux plus sur le calendrier que sur le principe même.

"Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y a une opposition absolue" en Allemagne sur le sujet, "j'ai plutôt l'opinion inverse", a-t-il déclaré à Bruxelles. "Je me sens très encouragé par le fait que les réserves exprimées à l'égard des idées de la Commission portent sur le calendrier, cela signifie qu'il n'y a pas d'opposition de principe", a-t-il ajouté, en référence aux propos tenus la veille par la chancelière Angela Merkel, qui avait affirmé que cette discussion était "prématurée".

Quitte à brusquer le gouvernement allemand, M. Barroso a rejeté l'idée selon laquelle il ne faudrait pas aborder la question dès à présent, faisant valoir que la Commission avait "le devoir" d'avancer des propositions. "Je ne pense pas qu'il soit approprié dans notre Union européenne de dire dès le départ qu'un débat ne doit pas avoir lieu", a-t-il affirmé.

Il a appelé les gouvernements européens à mener la discussion sur le sujet "avec un esprit ouvert et sans dogme", jugeant que l'émission de dette publique en commun par les pays utilisant l'euro "pourrait apporter des bénéfices énormes" en stabilisant l'Union monétaire et en créant "un marché obligataire plus grand comparable à celui des Etats-Unis" .