Les armateurs étrangers se fâchent contre l'Algérie

Par Hamid Guemache, à Alger  |   |  438  mots
Vue du port d'Alger/AFP
Face à l'impossibilité de pouvoir transférer hors d'Algérie quelque 500 millions de dollars encaissés sur le fret, les armateurs étrangers vont imposer à partir du 15 avril aux importateurs algériens d'être payés en avance et en devises étrangères.

A partir 15 avril, les importateurs algériens devront payer leur fret maritime à l'avance et en devises. La décision prise par les principaux armateurs (CMA CGM, MSC, HK, Arkas) de refuser les règlements en dinar algérien entrera en vigueur à la mi-avril, selon des documents officiels. Les armateurs imposent cette option en raison des difficultés qu'ils rencontrent pour transférer leur argent d'Algérie.

Les dossiers s'accumulent

"Depuis janvier 2010, la Douane exige de l'armateur d'encaisser l'argent du fret dans un délai n'excédant pas 90 jours après l'escale du navire pour pouvoir le transférer. Or, souvent, les importateurs ne terminent pas leurs formalités avant cette échéance et les armateurs sont payés au delà de ce délai et se retrouvent avec des dinars qu'ils ne peuvent pas transférer", explique sous couvert d'anonymat le directeur d'une filiale algérienne d'un géant mondial du fret maritime.

L'exigence des armateurs d'être payés en devises est également une riposte à une autre mesure de la Douane algérienne, prise en janvier 2010. Depuis cette date, les douaniers vérifient systématiquement toutes les factures des conteneurs transportés en Algérie. Faute de moyens, les vérifications s'éternisent, les dossiers s'accumulent. Les armateurs attendent depuis 2010 pour effectuer le transfert de centaines de millions de dollars représentant les frais de transport et les surestaries des containers déchargés dans les ports algériens.

L'affaire a pris un tour diplomatique

C'est le cas de CMA CGM qui attend des autorisations pour le transfert de 100 millions de dollars. Maersk attend le visa des Douanes pour transférer 80 millions de dollars et Arkas 60 millions de dollars. Le différend porte sur un montant total de plus de 500 millions de dollars, selon des sources proches du dossier. L'affaire a pris des proportions diplomatiques. Les ambassadeurs à Alger de France, d'Espagne, d'Allemagne, de Suisse, de Turquie et d'Italie ont adressé une lettre de protestation aux autorités algériennes pour leur faire part de leurs inquiétudes au sujet du blocage de l'argent des armateurs et leur demander de résoudre le problème.

L'Union européenne et le gouvernement français sont saisies du dossier. Mais Alger campe sur ses positions. Certains armateurs pensent à quitter l'Algérie. Le marché algérien du fret maritime représente 12 milliards de dollars par an pour des importations de près de 46 milliards de dollars en 2011. Le coût du fret est plus élevé en Algérie de 12 à 15% par rapport au Maroc et à la Tunisie. Le marché est dominé à 95% par les armateurs étrangers notamment CMA CGM qui y détient 35%.