Qui est Ziavoudine Magomedov, le jeune oligarque russe à l'ascension fulgurante ?

Par Emmanuel Grynszpan, à Moscou  |   |  708  mots
Ziavoudine Magomedov/Copyright Summa Group
En l'espace d'un an, le milliardaire Ziavoudine Magomedov, 44 ans, a surgi au premier plan de la scène oligarchique en arrachant les contrats publics les plus juteux, dans le secteur clé du transport et de ses infrastructures.

Il fait désormais la pluie et le beau temps dans le secteur des transports et de la logistique. Avec son groupe "Summa" (la somme, en russe), Ziavoudine Magomedov tente en ce moment de mettre la main sur Domodedovo, l'un des aéroports les plus rentables d'Europe. Le Kremlin fait pression depuis des mois sur l'actuel propriétaire de l'aéroport moscovite, Dmitri Kamenchik, pour que celui vende, car il serait jugé "trop indépendant". Qui voit-on arriver pour s'emparer de Domodedovo ? Ziavoudine Magomedov, armé d'une solide offre de crédit avancée par la banque d'Etat Sberbank. Avec son chiffre d'affaires de 1,3 milliard de dollars en 2011 (+19% par rapport à 2010), Domodedovo est valorisé à 3,5 milliards de dollars par les experts. Dmitri Kamenchik a déclaré en vouloir 5 milliards. "Summa est grand favori à la reprise", estime Dmitri Adamidov, analyste chez Investkafe, en soulignant les appuis de Magomedov et le fait que le secteur des transports est une priorité de Summa.

Un des quatre hommes d'affaires de l'année 2011

L'empire de Ziavoudine Magomedov s'étend rapidement à l'étranger. Associé au port de Rotterdam, Summa convoite le contrat pour la construction d'un nouveau port à Nangang, à 150km de Pékin. Un contrat estimé autour de 2 milliards de dollars. Son ambition ? "Devenir l'un des leaders mondiaux parmi les sociétés d'investissements privées", confiait-il au début du mois de février au quotidien russe Vedomosti, qui l'a d'ailleurs désigné comme l'un des quatre hommes d'affaires de l'année 2011.

Cette célébrité contraste avec un passé sur lequel Magovedov reste discret. Diplômé de la prestigieuse faculté d'économie du MGU en 1993, il disparaît en effet des écrans radars jusqu'en 2006, où sa société "Slavia" aquiert 76% de IakoutGazprom (production de gaz). L'acquisition déclenche une enquête policière qui ne donne pas suite. Puis s'enchaînent des contrats qui semblent tomber du ciel. La même année, une autre de ses sociétés, "Summa Telekom", obtient, sans qu'il y ait eu d'appel d'offre, un diapason de fréquences sur tout le territoire russe pour offrir des services avec la technologie WiMax. L'année suivante, il obtient 13 licences GSM pour 11 régions, alors que trois principaux autres acteurs du secteur de la téléphonie mobile ont toutes les peines du monde à en obtenir trois fois moins. En 2009, c'est sa société qui obient le juteux marché de la reconstruction du Théâtre du Bolchoï à Moscou.

Construction d'une ligne de chemins de fer sibérienne

Jusqu'à 2010, Summa n'était qu'un acteur secondaire dans le BTP, le négoce de matières premières et les télécoms. Son essor vertigineux est devenu visible en janvier 2011, lorsque Summa, en partenariat avec le monopole d'Etat des oléoducs russes Transneft, a reçu une part majoritaire dans le plus grand port de commerce russe (Novorossiisk). Puis Summa a reçu une participation majoritaire dans trois terminaux portuaires contrôlant 40% des exportations de céréales russes. En octobre, il décroche l'appel d'offres pour la construction d'un terminal pétrolier d'une valeur d'un milliard de dollars à Rotterdam, cette fois-ci avec un partenaire local, le négociant Vitol. En décembre, à la surprise générale, il a ravi à Arkadi Rotenberg, vieil ami de Vladimir Poutine, l'appel d'offres pour la construction d'une ligne de chemins de fer sibérienne. Un contrat estimé à un milliard d'euros pour une ligne qui ouvre la voie vers d'importants gisements de charbon.

Le "Clan des Daguestanais"

Depuis, il est dépeint comme un acteur de premier plan sur la scène oligarchique. Il fait partie de ce que le politologue Stanislav Belkovski nomme le "clan des Daguestanais" (avec le directeur de l'administration régionale du Daguestan et le milliardaire Souleïman Kerimov), un clan appartenant au premier cercle du président Dmitri Medvedev. Summa est désormais l'un des groupes industriels les plus fermés et les plus puissant du pays, avec, selon son propriétaire, un chiffre d'affaires de 10 milliards de dollars l'année dernière. Mais sa force actuelle est aussi sa faiblesse, car elle est fondée sur des appuis politiques privilégiés. Or Dmitri Medvedev quitte la présidence en mai et son remplaçant Vladimir Poutine voit son influence s'effriter.