La soudaine passion de Mitt Romney pour l'or

Par Robert Jules  |   |  895  mots
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Le candidat républicain à l'élection présidentielle américaine, Mitt Romney, se dit favorable à un retour à l'étalon-or. Si ce choix n'est pas dénué d'arrières-pensées, séduire en particulier le Tea Party et ceux qui avaient voté pour le libertarien Ron Paul durant les primaires républicaines, sa mise en place risque de rencontrer plusieurs difficultés.

Mitt Romney, le candidat républicain à la prochaine présidentielle américaine, a dévoilé jeudi quelques mesures qu'il va proposer lundi à l'ouverture de la convention républicaine à Tampa (Floride), où les délégués vont durant plusieurs jours débattre des mesures qui vont constituer l'argumentaire du GOP face à Barak Obama.

Parmi elles, il y a la volonté de vouloir revenir à l'étalon-or, c'est-à-dire à rétablir le lien entre l'émission de dollars et le niveau de l'or. Ce lien avait été brisé en 1971 par le président Richard Nixon qui avait mis fin « temporairement » à la convertibilité en raison « d'attaques spéculatives » contre le dollar. Depuis, ce débat revient régulièrement sur le devant de la scène.

Séduire l'électorat populaire

Cette annonce de Mitt Romney n'est pas sans arrière-pensée puisque l'idée était portée par un de ses concurrents lors des primaires républicaines : le libertarien Ron Paul, qui est l'une des coqueluches du Tea Party et a sérieusement bousculé ces primaires par ses propositions. Romney veut à l'évidence séduire cet électorat populaire.

Ron Paul a en effet fait campagne sur le thème de la suppression pure et simple de la Fed qu'il accuse de « manipuler » les taux, ce qui alimente la dérive des déficits publics, qui ont atteint un niveau record, et l'instabilité chronique de la valeur de la monnaie.

Une indexation du dollar sur l'or aurait l'avantage de réduire la création de monnaie, et d'éviter une trop grande distorsion entre les stocks d'or et le volume de monnaie en circulation. Ce serait un remède à la création de bulles en réduisant la mauvaise allocation des capitaux qui conduisent aux crises régulières, comme on le voit dans le cas des pays européens, où le recours massif au crédit se traduit pas une crise qui n'en finit pas de se propager à l'économie réelle. Sans compter qu'il est protecteur contre l'inflation.

Bernanke serait remplacé

Les républicains veulent donc changer la gestion de la Fed qui, en maintenant les taux directeurs près de zéro et en injectant depuis 2008 quelque 2.300 milliards d'euros pour essayer de relancer l'économie américaine pour faciliter le crédit, n'aurait pas obtenu un réel succès. Mitt Romney a d'ailleurs annoncé que Ben Bernanke, qui avait été nommé par George W. Bush et confirmé par Barak Obama, serait remplacé et un audit de la Fed serait effectué.

Toutefois, il faut souligner que les Etats-Unis ont une inflation modérée puisqu'elle devrait se situer autour de 2% en 2012 contre 3,6% en 2011. En revanche, le prix de l'or a fortement fluctué passant de quelque 300 dollars l'once il y a dix ans à 1.600 dollars, après son pic historique au-dessus de 1.900 dollars en septembre 2011.

« Pour la petite histoire, l'approvisionnement en monnaie américaine a consisté majoritairement en papier-monnaie, et non pas en pièces d'or et d'argent, depuis les années 1800 », rappelle Paul Krugman, dans une de ses chroniques au New York Times, qui adresse une volée de bois vert à Paul Ryan, choisi par Mitt Romney comme candidat à la vice-présidence. Plus généralement, pour les détracteurs du recours à l'étalon-or, le faible niveau des stocks de métal jaune ne permet pas de garantir toute la monnaie en circulation à travers le monde.

La suprématie du dollar, un avantage pour les Etats-Unis

Mais il n'est même pas sûr pour autant qu'au sein du camp républicain la majorité soit en faveur du retour à un étalon-or. En effet, il ferait perdre un avantage pour les Etats-Unis, celui détenu par le dollar, à la fois monnaie locale mais aussi monnaie internationale d'échange , « valeur refuge » qui offre la possibilité luxueuse pour les Etats-Unis de toujours trouver preneur pour ses emprunts. En outre, cette suprématie internationale du dollar est un avantage comparatif pour les entreprises américaines qui n'ont pas à se couvrir systématiquement contre le risque de change à l'international comme c'est le cas pour les entreprises d'autres pays.

Cette difficulté du faible niveau des stocks d'or pour développer le commerce international peut cependant être palliée par le fait qu'un nouvel « étalon-or » pourrait être constitué d'un panier plus large, comprenant outre l'or, de l'argent, du pétrole, et des monnaies, le dollar évidemment mais aussi l'euro, le yen , le yuan et le franc suisse. Cette idée avait été avancée dans les sommets du G20 après la crise de 2008, mais n'a pas connu de lendemains.

Payer la crise au prix fort tout de suite

Les sceptiques sur ce rôle de l'or mettent aussi en avant le fait qu'en fixant la valeur de la monnaie, il n'est désormais plus possible pour une Banque centrale de pouvoir amoindrir des chocs de l'économie en jouant sur les taux, bref de payer la crise au prix fort tout de suite par exemple sous la forme d'un taux de chômage élevé plutôt que d'en différer et amoindrir les effets négatifs.

Il sera donc assez intéressant de voir comment le débat sur ce retour à l'étalon-or va être mené au sein du parti républicain et s'il s'imposera comme un thème de campagne. Ce serait déjà une première victoire pour Ron Paul.