Les impôts pourraient augmenter... en Suisse

Par Marina Torre  |   |  846  mots
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Confrontés à des difficultés budgétaires, de nombreux cantons suisses pourraient décider d'augmenter les impôts. Des élus de Neuchâtel espèrent même faire voter une taxe pour les fortunes supérieures à 1 millions de francs (830.000 euros).

Une première barrière à l'exil fiscal en Suisse? Une majorité de cantons affichent des comptes dans le rouge pour leur budget 2013. Genève accuse un déficit de 278 millions de francs (230 millions d'euros), le Tessin de 198,5 millions, Zurich de 150 millions, Berne de 100 millions. De quoi faire réfléchir les parlements locaux de la confédération qui ont le pouvoir de déterminer le barème et l'assiette de l'impôt dans la limite de la constitution fédérale.

"Les bonnes années sont passées"

"Les bonnes années sont passées", confiait fin octobre Christian Wanner (parti libéral radical), le président de la Conférence des directeurs cantonaux des finances, à l'agence d'information suisse ats. "La décennie d'opulence budgétaire des cantons est bel et bien révolue", confirmait de son côté Alfred Rey, ex-délégué aux questions financières cantonales de l'Administration fédérale des finances, contacté lui aussi par l'agence ats. Même pour le canton de Vaud, qui fait partie des exceptions avec un excédent de 4 millions de francs pour 2013, l'avenir n'est pas tout à fait rose. Vaud, qui profite pourtant du dynamisme du lac Léman, prévoit un endettement après 2013. En outre, si deux autres cantons s'en sortent plutôt bien, Fribourg et le Valais, le système de péréquation qui vise à transférer une partie des ressources des cantons "modèles" en matière de budget vers les plus en difficultés, ne suffirait pas à compenser.

La Suisse affectée par la crise de l'euro

En cause : les effets de la crise de l'euro qui ont fait grimper en flèche la valeur du franc suisse. Pour maintenir son taux plancher de 1,20 franc, la Banque nationale (BNS) a réduit son soutien aux budgets locaux le faisant passer de 1 milliard (environ 830 millions d'euros) à 667 millions de francs (soit 553 millions d'euros). Dans le même temps, les dépenses ont augmenté avec de nouvelles charges dévolues aux cantons notamment dans le financement de la santé et de la justice.

Préférence à la réduction des coûts...

Et dans cette situation, la première solution envisagée par les parlements des différents cantons, ce sont plutôt les réductions des dépenses. "Si nous ne nous préparons pas à réduire les prestations, alors nous aurons partout des hausses d'impôts aussi bien dans les cantons que dans les communes", estime ainsi le conseiller d'Etat soleurois Christian Wanner. Déjà, certains ont prévu des économies budgétaires. C'est le cas par exemple du Tessin qui souhaite économiser 94 millions de francs en réduisant les salaires des fonctionnaires. Mais des hausses d'impôts sont envisagées dans certains cantons. Le canton de Saint-Gall, par exemple, outre un plan d'économies de 210 millions de francs, augmentera ses impôts de 10%.

Vers une taxe sur les riches à Neuchâtel ?

Autre exemple, qui rappelle à une toute autre échelle, la situation française, celui de Neuchâtel où des élus de la gauche radicale souhaitent faire voter une loi imposant un impôt supplémentaires aux plus riches. Le projet prévoit de taxer les fortunes supérieures à 1 millions de francs (830 millions d'euros). La première tranche serait taxée à...0,1% et le taux irait jusqu'à 1% pour les fortunes supérieures à 2 millions de francs. Une mesure symbolique qui a bien peu de chances d'être retenue lors du vote au Grand Conseil qui doit avoir lieu le 25 novembre, puisqu'elle fait l'objet d'une opposition au sein même de la gauche.

Quels impôts augmenter?

Les législateurs suisses pourraient également opter pour une augmentation des impôts déjà existants. Parmi eux: l'impôt sur le revenu bien sûr, prélevé "à la source" par l'employeur puis reversé à l'administration fiscale locale, mais aussi la TVA, ou bien la taxe automobile, et pourquoi pas celle sur les chiens... La fiscalité de l'entreprise pose davantage de questions. Côté fédéral, la présidente de la Confédération pour 2012, Eveline Widmer-Schlumpf, a appelé à un débat national sur le sujet, alors que l'Union européenne presse la Suisse de mettre un terme à la fiscalité avantageuse accordée dans le pays aux holdings d'entreprises étrangères situées dans le pays. Prenant les devants, Genève par exemple souhaite un taux unique à 13% contre les 24,2% qui leur serait imposé en cas de suppression de ces "statuts fiscaux" priviliégiés.

>> Crise de nerfs à l'européenne dans les cantons suisses

Les "riches" étrangers en ligne de mire

Enfin, un autre des symboles de la fiscalité suisse, le "forfait fiscal" est remis en question. Pour abolir cet avantage accordé aux quelque 5.000 étrangers résidants en Suisse et n'ayant pas d'activité lucrative créé en 1862, "initiative" (proposition) de modification de la loi a ainsi été déposée par des élus de gauche à la Chancellerie le 19 octobre. Cinq cantons ont même pris les devants en votant la fin de ce privilège. Berne, de son côté, ne s'y est pas résolue.