Le paradoxe du contrôle gouvernemental chinois sur l'immobilier

Par Mathias Thépot  |   |  687  mots
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Pour éviter la création d'un bulle immobilière en Chine, le gouvernement a pris depuis 2010 des mesures drastiques, maîtrisant ainsi la hausse excessive des prix. Mais devant un exode rural toujours plus massif, les loyers n'ont de leur côté pas cessé d'augmenter dans les grandes villes.

Considéré comme un secteur clé de l'économie chinoise, l'immobilier a beaucoup contribué aux taux de croissance de plus de 10% de la Chine ces dernières années, tirant notamment à la hausse la demande pour l'acier et le ciment. Seulement depuis deux ans, la hausse des prix de l'immobilier y est relativement stable. Le secteur s'est du coup vu offrir un petit coup de pouce de Pékin, qui a notamment assoupli sa politique monétaire. Ce, face au ralentissement de la croissance du pays, qui a atteint son plus bas niveau en plus de trois ans au deuxième trimestre à 7,6%.

La banque centrale a ainsi baissé récemment à plusieurs reprises le niveau des réserves obligatoires des banques pour leur permettre de prêter davantage, et réduit les taux d'intérêt directeurs. En parallèle, la forte demande pour les logements de luxe, et l'arrivée de fonds spéculatifs étrangers ont provoqué une hausse modérée du prix moyen du mètre carré : Dans 100 villes chinoises, il a atteint 8.791 yuans (1.069 euros), soit une hausse de 1,23% depuis six mois, selon l'institut de recherche China Index Academy, cité par l'AFP.

Un secteur sous contrôle du gouvernement

Le secteur de l'immobilier reste ainsi sous contrôle étroit du gouvernement, comme c'est le cas depuis 2010. Le spectre d'une bulle immobilière hantait alors les esprits des dirigeants chinois, qui craignaient que le prix des logements n'atteigne des niveaux extrêmes. Les autorités chinoises ont ensuite pris des mesures drastiques. En agissant sur la politique monétaire, tout en interdisant d'acheter un deuxième appartement, en relevant l'apport personnel l'obtention d'un crédit, et en introduisant de taxes foncières dans certaines villes. Ces mesures ont été efficaces. Les prix, qui avaient atteint des sommets les années précédentes, n'ont plus progressé que de 4% à 7% en deux ans.

Si pour l'année 2011, le marché immobilier chinois est resté atone, l'année 2012 l'a vu se redresser sobrement. Ce qui a notamment amené l'agence de notation Moody's a rehaussé de "négative" à "stable" sa perspective pour le marché immobilier chinois. Le volume des transactions a par exemple bondi de 10,4% en valeur durant les 11 premiers mois de l'année, indiquait le Bureau national des Statistiques.
Il faut aussi dire que des facteurs structurels maintiennent les prix à la hausse. En premier lieu, la nature de l'investissement immobilier, de long terme et plutôt sécurisant face à la volatilité du marché boursier et au contrôle des capitaux en Chine très restrictif avec la détention d'actifs labellisés en devises. En parallèle, la pression sociale caractérisée par une urbanisation rapide et constante joue aussi un rôle prépondérant.

Le prix des loyers explose

Mais si la stabilité des prix reste une priorité pour Pékin, qui craint le mécontentement lié au coût exorbitant des logements et les troubles sociaux qui pourraient en découler, la Chine devrait peut-être s'intéresser de plus près à son marché locatif.
Car depuis le début de l'année 2011, le loyer moyen a augmenté d'environ 10 % dans les grandes villes, selon la presse chinoise, s'accroissant même de plus de 20 % à Pékin au premier semestre 2012. Une ville dont l'afflux moyen de "population flottante" s'élève à 700.000 personnes en moyenne depuis dix ans, toujours selon la presse locale.
Ces personnes, si elles ne possèdent pas le « hukou local » -un permis de résidence censé freiner l'exode rural qui donne l'accès à des services publics et à des avantages offerts aux natifs de la ville, dans le domaine de la santé, de l'éducation et du logement - ne peuvent pas acquérir d'habitat dans certaines grandes villes. Ce qui tend la demande locative.
D'autres raisons, plus classiques, nuisent au pouvoir d'achat des Chinois qui souhaitent louer. Comme la trop lente progression de la campagne de construction d'habitations à loyer modéré, ou les logements laissés volontairement vacants par leurs propriétaires qui attendent un assouplissement de la politique de contrôle du gouvernement sur l'immobilier, pour ensuite revendre et réaliser un profit substantiel.