Risques pour la sécurité alimentaire, la croissance... le Giec sonne une nouvelle fois l'alarme

Par latribune.fr  |   |  758  mots
Si les gouvernements ne font rien pour endiguer les émissions de gaz à effet de serre très vite, les risques deviendront impossible à gérer, jugent les auteurs du rapport du Giec.
L'intensification du réchauffement climatique va nuire à la croissance économique et augmenter les risques de conflits graves dans le monde, estime l'organisme intergouvernemental. Il appelle les dirigeants à réduire les émissions de gaz.

Insécurité alimentaire, accès à l'eau, déplacements de population, risques de conflits... Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) a publié lundi 31 mars un nouvel état des lieux alarmant sur les impacts du changement climatiques.

Ce rapport - le plus complet depuis celui de 2007 - avertit que "la probabilité d'impacts graves, étendus et irréversibles s'accroît avec l'intensification du réchauffement", et appelle à des mesures d'urgence.

"Rappeler à Obama, Merkel et les autres qu'il faut agir"

Les travaux du Giec (qui rassemble 195 pays) servent de base aux négociations internationales sur le financement des actions d'adaptation et sur la réduction des gaz à effet de serre. Le rapport publié lundi représente ainsi le deuxième volet d'une large évaluation censée éclairer les Etats qui se sont engagés à se mettre d'accord sur un nouveau traité en 2015. Son objectif : limiter le réchauffement à 2°C en moyenne par rapport aux niveaux pré-industriels, la planète ayant déjà pris 0,8°C et la trajectoire actuelle nous conduisant vers +4° à la fin du siècle.

Le premier segment, rendu public en septembre, avait relevé à au moins 95% (contre 90% en 2007) le degré de certitude que la majeure partie du réchauffement climatique en cours découle des activités humaines.

"Nous sommes là pour rappeler aux dirigeants de la communauté internationale comme Barack Obama, Angela Merkel, David Cameron et de nombreux autres que le moment d'agir est venu, le moment de réduire les émissions (de gaz) pour lutter contre le changement climatique", a déclaré dimanche Christian Teriete, directeur de la communication de l'ONG Global Call for Climate Action.

Augmentation du risque de conflits violents

"La part de la population mondiale confrontée à des pénuries d'eau ou affectée par d'importantes inondations va s'accroître avec le niveau du réchauffement au 21e siècle", souligne le "Résumé pour décideurs", une synthèse destinée aux politiques.

Un climat plus chaud aura aussi des conséquences sur la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays du Sud : la répartition des espèces marines et donc de la pêche va changer, les rendements agricoles vont être modifiés avec des bénéfices pour quelques régions, une baisse pour beaucoup d'autres. Le Giec estime ainsi que "tous les aspects de la sécurité alimentaire seront potentiellement affectés".

Avec un accès plus dur à l'eau et aux ressources alimentaires, et des migrations accrues, le changement climatique "va indirectement augmenter les risques de conflits violents", avertit le rapport.

"Dans de nombreux cas, nous ne sommes pas préparés aux risques actuels liés au changement climatique", a estimé Vicente Barros, co-président du groupe de scientifiques auteurs du rapport.

Croissance économique ralentie

Si les impacts économiques globaux "sont difficiles à estimer", affirme le Giec, le changement climatique va néanmoins "ralentir la croissance économique, (...) réduire la sécurité alimentaire et créer de nouvelles poches de pauvreté".

Le rapport établit une "carte des risques" en fonction des régions du monde. Aucune ne sera épargnée, estime-t-il :

  • En Afrique, l'accès à l'eau sera l'un des aspects les plus marquants du réchauffement.
  • En Europe, ce sont l'aggravation des inondations et leurs conséquences sur les infrastructures et les effets sanitaires des vagues de chaleur qui sont mis en avant.
  • En Asie, inondations et vagues de chaleur risquent de provoquer d'importants déplacements de population.
  • L'Amérique du Nord va être touchée par davantage d'événements extrêmes (chaleur, inondations côtières, incendies).
  • Enfin l'Amérique latine sera confrontée à la problématique de l'accès à l'eau.
  • Les régions polaires et les îles seront particulièrement affectées par un climat plus chaud, via la fonte accélérée des glaciers et la montée du niveau des océans.

Certains phénomènes sont irréversibles

Le Giec présente ainsi une série de mesures d'adaptation à une planète plus chaude : protection des côtes, stockage d'eau, irrigation, nouvelles pratiques agricoles, systèmes d'alerte sanitaire, déplacement d'habitats, etc.

Mais Chris Field, co-auteur du rapport, est inquiet. "A des niveaux élevés de réchauffement dus à la croissance continue des émissions de gaz à effet de serre, les risques seront difficiles à gérer et même des investissements importants et continus dans l'adaptation montreront leurs limites", prévient-il. D'autant que certains phénomènes observés (acidification des océans, recul des glaciers...) sont bien irréversibles.