La plus grande mobilisation de l'opposition russe depuis la réélection de Poutine

Par latribune.fr  |   |  885  mots
Boris Nemtsov, assassiné vendredi soir à Moscou, préparait un rapport sur la présence de soldats russes en Ukraine
Un marche a lieu à Moscou ce dimanche, alors que les dirigeants occidentaux ont fait part de leur indignation , après l'assassinat de l'opposant à Poutine Boris Nemtsov

Des milliers de Russes sont réunis ce dimanche pour une marche dans Moscou en hommage à Boris Nemtsov, l'opposant et ancien vice-Premier ministre russe assassiné près du Kremlin. Plus de 70.000 personnes sont rassemblées, selon l'un des organisateurs de la marche.

"Nous estimons que plus de 70.000 personnes sont là", a déclaré à l'AFP Alexandre Rikline, l'un des organisateurs de la marche qui a été autorisée par les autorités. La police a fait pour sa part état de plus de 16.000 manifestants.

Si les chiffres donnés par les organisateurs sont corrects, il s'agit de la plus grande mobilisation de l'opposition depuis la réélection de Vladimir Poutine en 2012.

Un choc brutal


Le meurtre, tard vendredi, de l'opposant, deux jours avant une manifestation contre le pouvoir à laquelle il avait appelé pour dimanche, a été un choc brutal pour ses partisans et des milliers d'anonymes et a provoqué un concert de condamnations indignées dans la communauté internationale.

Poutine s'engagne à tout faire pour châtier les assassins...


Le président Vladimir Poutine s'est engagé samedi à tout faire pour châtier les assassins de Nemtsov. "Tout sera fait pour que les organisateurs et les exécutants de ce crime lâche et cynique reçoivent le châtiment qu'ils méritent", a affirmé M. Poutine dans un message de condoléances à la mère de Boris Nemtsov.

L'opposition a renoncé à une manifestation prévue dans le sud-est de Moscou, les autorités ayant, de manière exceptionnelle, autorisé une marche pour 50.000 participants jusqu'au pont où a été tué Boris Nemtsov de quatre balles dans le dos.


Une foule d'anonymes sur le lieu de l'assassinat

Dimanche matin, le pont où l'opposant de 55 ans a été tué alors qu'il se promenait à pied avec une jeune femme venue d'Ukraine présentée comme sa compagne, était couvert de montagnes de fleurs, de bougies, de photos ou de messages apportés par des personnalités connues ou une foule d'anonymes.

Quelques heures avant d'être assassiné, M. Nemtsov, avait appelé, sur les ondes de la radio Echo de Moscou, les Russes à manifester dimanche dans la capitale contre "l'agression de Vladimir Poutine" en Ukraine.


Un meurtre planifié


Selon le Comité d'enquête de Moscou s'appuyant sur les premiers éléments disponibles, le meurtre de l'ancien vice-Premier ministre du président Boris Eltsine devenu un opposant radical à Vladimir Poutine, a été "minutieusement planifié".

Alors que la police était à la recherche du ou des assassins, les autorités ont annoncé étudier toutes les pistes: le crime politique comme la piste islamiste, Boris Nemtsov ayant reçu des menaces à la suite de son soutien au journal satirique français Charlie Hebdo, et la piste d'un assassinat lié au conflit ukrainien.

Un rapport sur la présence russe en Ukraine


Nemtsov était apparemment en train de préparer un rapport détaillé sur la présence de soldats russes dans l'est de l'Ukraine, alors que Moscou dément toute implication de ses troupes auprès des rebelles séparatistes. Des sources policières anonymes citées par les agences de presse russes ont évoqué une éventuelle piste d'ultra-nationalistes d'extrême droite.

Les dirigeants occidentaux condamnent cet assassinat


Les dirigeants occidentaux, dont le président américain Barack Obama, ont condamné samedi "le meurtre brutal" de l'opposant et appelé à une enquête efficace.
 Le président français François Hollande a dénoncé "un odieux assassinat", la chancelière allemande Angela Merkel a appelé M. Poutine à faire la lumière sur ce "meurtre lâche".

Boris Nemtsov "était un pont entre l'Ukraine et la Russie, et ce pont a été détruit par les coups de feu d'un assassin. Je pense que ce n'est pas par hasard", a réagi le président ukrainien Petro Porochenko.

L'ancienne dissidente et opposante au Kremlin Lioudmila Alexeeva a résumé le sentiment de ceux qui soutenaient Boris Nemtsov dans sa lutte contre les autorités: "C'est un épouvantable assassinat politique".


"Une provocation", selon  le Kremlin

  Du côté des alliés du Kremlin, l'accent était mis avant tout sur l'aspect "provocateur" de cet assassinat et les risques de déstabilisation de la Russie.

"Poutine a déclaré que cet assassinat brutal portait les marques d'un meurtre commandité et avait tout d'une provocation", avait immédiatement dit son porte-parole, Dmitri Peskov.
 "Manifestement, il faut que le sang coule pour que des troubles éclatent dans le centre de Moscou", a commenté le chef du Parti communiste, Guennadi Ziouganov. Un autre responsable du parti, Ivan Melnikov, a estimé qu'il s'agissait d'une "provocation destinée à relancer l'hystérie antirusse à l'étranger".

L'ancien numéro un soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, a déploré la mort de Boris Nemtsov, exprimant la crainte que les assassins ne soient pas arrêtés.
Plusieurs opposants ont été tués ces dernières années en Russie, notamment la militante des droits de l'homme Natalia Estemirova en Tchétchénie, l'avocat Stanislav Markelov et la journaliste Anastasia Babourova à Moscou, de même que la journaliste Anna Politkovskaïa. Les exécutants ont parfois été arrêtés et condamnés, mais pas les commanditaires.
 Dans une interview accordée début février au site internet Sobessedniki.ru, l'opposant avouait craindre "un peu" pour sa vie en raison de ses prises de position contre Vladimir Poutine.