La Commission européenne veut faire fléchir Berlin sur les euro-obligations

Par latribune.fr  |   |  812  mots
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La Commission de Bruxelles et ses partenaires européens s'emploient activement à convaincre l'Allemagne de baisser la garde pour adopter de nouveaux remèdes à la crise de la dette, avec l'espoir que des gages suffisants de discipline budgétaires suffiront à l'amadouer.

Le gouvernement allemand reste le principal obstacle à une intervention plus poussée de la Banque centrale européenne ( BCE ) sur le marché européen de la dette, intervention vue dorénavant par beaucoup comme la seule voie pour contenir la propagation de la crise.

Convaincre l'Allemagne : "une difficulté majeure"

Le Premier ministre français, François Fillon, a reconnu mardi, devant les députés de sa majorité, que convaincre l'Allemagne constituait "une difficulté majeure", a rapporté une source proche du groupe UMP. Des propos qui ont été confirmés par son entourage.

Mais Fillon a laissé entendre qu'une rencontre jeudi entre la chancelière allemande, Angela Merkel, le président Nicolas Sarkozy et le nouveau Premier ministre italien, Mario Monti, qualifiée de "rendez-vous important", pourrait apporter du nouveau.

Les dernières déclarations en provenance de Berlin ne sont toutefois pas très encourageantes.

Faire de la BCE le créancier de dernier recours des pays de la zone euro "ne marchera en aucun cas", a répété la chancelière mardi. Son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a promis de "tout faire pour combattre les dangers qui menacent la stabilité de l'euro" mais uniquement "d'une façon qui garantit que (...) la banque centrale ne soit pas à la disposition des Etats pour les financer".

Angela Merkel met régulièrement en garde contre la tentation de voir dans une intervention de la BCE un remède miracle, le coup de bazooka réclamé par le Premier ministre britannique David Cameron, auquel elle préfère des solutions de long terme qui "prennent le mal à la racine".

La piste des euro-obligations relancée

Le commissaire européen Olli Rehn a abondé dans son sens dans un entretien à la presse française mardi. "On a souvent entendu dire que telle ou telle option constituait la panacée, qu'il s'agisse des euro-obligations, de la BCE ou de la restructuration de la dette grecque. Je crois qu'il nous faut travailler sur tous les fronts", a-t-il dit.

Olli Rehn a par ailleurs a promis de soumettre la création d'éventuelles "euro-obligations" ou "eurobonds", titres de dettes communs aux pays de la zone euro, à de strictes conditions de discipline budgétaire alors que la Commission européenne va présenter mercredi ses pistes de réflexion sur ce thème.

Une posture de compromis appuyée aujourd'hui encore par le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy. "La création d'euro-obligations n'est pas une solution de court terme pour résoudre la crise dans la zone euro, mais peut être envisagées sous certaines conditions", a-t-il déclaré, tout en ajoutant qu'il préférait le terme de  "mutualisation de la dette publique", lors d'un point de presse aux côtés de Mario Monti.

Merkel : une discussion prématurée

Angela Merkel a cependant jugé que ce débat était prématuré. "Si on doit la mener, cette discussion doit être menée à la fin" d'un processus d'intégration européenne plus poussée, a-t-elle répété mardi. "Je ne trouve pas que ce soit le bon moment pour la mener, en pleine crise, comme si c'était une solution à la crise. Cela ne l'est pas", a-t-elle ajouté.

Jens Weisman, le gouverneur de la Bundesbank a d'ailleurs renchérit en ce sens.

L'Allemagne va-t-elle céder ?

Du côté de Bruxelles, on croit toutefois avoir décelé "du mouvement" dans la position allemande, selon une source haut placée proche de la Commission, mais ce "à condition que nous avancions sérieusement pour assurer le discipline budgétaire".

Carsten Brzeski, analyste de la banque ING, veut d'ailleurs croire lui aussi que "le plus fort opposant aux eurobonds, l'Allemagne, est progressivement en train de changer de ligne". L'Allemagne "bougera dès l'instant où elle aura confiance dans (la) capacité (des pays européens) à gérer notre économie en commun", a aussi assuré il y a quelques jours le commissaire européen Michel Barnier.

L'Allemagne est parmi les adversaires les plus déterminés de ces "eurobonds", qui augmenteraient le coût de l'emprunt pour le pays le plus solvable de la zone euro, et décourageaient selon Berlin les pays les moins vertueux de remettre de l'ordre dans leurs finances publiques. Par ailleurs, la chancelière a également rappelé son hostilité à une intervention plus poussée de la Banque centrale européenne (BCE). 

La Commission européenne va publier mercredi 23 novembre un "Livre vert" sur les "euro-obligations", qui doit servir de point de départ à un débat européen sur cet instrument de mutualisation de la dette rejeté par l'Allemagne. Par ce moyen, la Commission espère amadouer l'Allemagne et les autres pourfendeurs de l'idée en liant les euro-obligations à des conditions strictes, et en introduisant en parallèle des mécanismes contraignants de renforcement de la discipline budgétaire.