Eurobonds : le vrai débat

Les eurobonds sont déjà une réalité. Reste à définir de nouvelles modalités de mutualisation. Une solution permettrait à la fois d'inciter les pays à réduire leur dette et à favoriser la croissance.
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C'est une certitude : dans quelques mois, les eurobonds auront trouvé leur place dans la gestion complexe de la zone euro. Chacun y aura vu son intérêt et surtout aura découvert que les eurobonds existent déjà dans le cadre du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Aujourd'hui, l'objet du débat est d'en déterminer la forme la plus mutualisée possible ; et cela en évitant le risque d'aléa moral, c'est-à-dire celui d'autoriser un État à emprunter sans contraintes.

Alors pourquoi cette évidence d'eurobond ? Parce que l'Allemagne, souvent présentée comme le dernier rempart à cette solution de bon sens, aura bientôt admis qu'il serait plus coûteux pour elle de voir la zone euro exploser plutôt que de substituer à ses émissions, des émissions européennes, même plus coûteuses pour elle. Et également parce que les eurobonds permettront la création d'un véritable marché de la dette européenne, nécessaire à la finance mondiale. Reste maintenant à préciser ce que l'on souhaite.

Dans le principe, un eurobond est une obligation européenne qui permettrait d'annuler le risque de change et de défaut. Actuellement, le premier l'est grâce à l'euro mais pas le second. Pour ce faire, des obligations devraient être émises par une seule et même structure, le FESF, ou par des États mais dans ce cas, chaque État devrait s'engager à soutenir les autres en cas de défaut. C'est là où le flou s'installe. La première proposition Tremonti/Juncker suggérait bien un principe d'eurobond, limité par rapport au stock de dettes existant. Le traitement de l'aléa, dans cette proposition, consistait à autoriser les échanges de dettes passées avec des eurobonds, mais en y ajoutant une décote proportionnelle aux risques, donc au niveau de la dette préexistante. La proposition suivante, celle de Delpla/Weizsäcker, propose de séparer la dette globale en deux : une dette bleue susceptible d'être mutualisée et une dette rouge restant à la charge de l'État considéré.

Et puis, il y a ceux, comme Patrick Artus, qui suggèrent les eurobonds sans limite préalable, mais avec un bonus-malus, des taux d'intérêt pour le pays majorés ou minorés selon la situation économique et financière du pays. L'intérêt de ces propositions est de considérer que la mutualisation de la dette en Europe s'impose, mais qu'en aucun cas, elle ne peut être automatique et créer des comportements nationaux déviants. Cependant, la difficulté actuelle est de suivre pour les pays en difficulté une trajectoire soutenable, c'est-à-dire telle que le ralentissement de la croissance ne vienne pas obérer les efforts exigés de réduction de l'endettement. Or, il se trouve que la plupart des pays de la zone euro sont confrontés à un véritable mur de la dette à court terme. Même l'Allemagne devra se refinancer à hauteur de 300 milliards d'euros en 2011. Une dette de maturité plus longue permettrait donc d'envisager avec plus de sérénité la gestion de leurs dettes publiques. Dans ces conditions, nous proposons de résoudre le problème d'aléa moral en prenant en compte ces échéances. C'est la raison pour laquelle nous considérons qu'il ne faut mettre, ni de limites, ni de surcoûts aux prêts accordés, mais inciter ces pays à une réduction rapide de leur dette.

Ainsi, par exemple, l'émission d'eurobonds pourrait correspondre à la création d'une dette structurée à maturité d'au moins 10 ans. Son coût serait, les premières années, celui du taux d'émission de l'eurobond. Mais ensuite, après transfert, le taux de cette dette serait d'une émission du Trésor national. Ce mécanisme incitatif aurait trois effets positifs : le premier serait l'allongement de la maturité de la dette moyenne des États, le second la baisse du coût de la dette pendant la première période et surtout, les États seraient réellement incités à maîtriser leurs dépenses pour maintenir un taux d'intérêt équivalent après la première période. Mais tout ceci ne suffit pas à favoriser la croissance nécessaire. Or, sans croissance, les États ne pourront pas correctement résorber leurs dettes. On pourrait donc créer en plus un mécanisme qui permettrait, à partir des économies réalisées grâce au taux d'intérêt faible, de soutenir l'investissement dans des projets porteurs de croissance. Car il y a bien des économies grâce à la différence de taux entre celui du FESF et celui qu'obtiendrait le pays sur les marchés. Et c'est cette différence qui pourrait être pour partie utilisée à créer un fonds d'investissements stratégiques. Cet objectif de concilier diminution de la dette et croissance est et sera au coeur du débat de politique économique des pays européens. Et les eurobonds en sont l'instrument naturel.

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Commentaires 7
à écrit le 14/12/2011 à 12:22
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Comme disait Jacques Attali : "quand on a fait les euros, on savait que les euros disparaîtraient dans les 10 ans si on n?avait pas un fédéralisme budgétaire. C'est-à-dire des eurobonds, mais aussi une taxation européenne, mais aussi un contrôle des ...

à écrit le 23/11/2011 à 2:03
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Figaro économie, publié le 26/08/2011 à 16:51 Les Allemands, plus riches que jamais, (Ces statistiques ne tiennent pas compte des propriétés immobilières ou des biens non financiers.) C'est bien grâce à l'Euro,.....et ils se plaignent de devoir part...

à écrit le 02/09/2011 à 10:28
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je ne suis pas professeur distingué mais cette démonstration s'inscrit un fois de plus dans une vision keynésienne et dépensière Etatique (la fameuse relance adéquate Etatique) sans création d'un Etat Fédéral (à condition de supprimer en France le d...

à écrit le 02/09/2011 à 8:46
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Il semblerait qu'il y ait un problème de mise en page: l'article est incomplet! Merci de bien vouloir y remédier.

à écrit le 02/09/2011 à 7:49
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Merci pour cet article de fond, qui esquisse sereinement et de facon pédagogique une solution à la crise de la dette souveraine dans la zone Euro.

à écrit le 02/09/2011 à 6:51
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"Car il y a bien des économies grâce à la différence de taux entre celui du FESF et celui qu'obtiendrait le pays sur les marchés." Sauf pour la France et l'Allemagne qui verrait leur taux grimper. Vu la situation actuelle de la France, ça signifie d'...

le 03/09/2011 à 14:51
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Oui, des économies de taux seront réalisées pour tous les pays. C'est là la force de l'Eurobond. Je m'explique: en mutualisant leurs dettes, les Etats européens créent une obligation dont le taux est inférieur à la somme des taux obligataires europée...

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