Les partenaires européens excédés par l'attitude de la Grèce

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  829  mots
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D'ici mercredi, le gouvernement de Lucas Papademos doit impérativement fournir des gages s'il veut que ses bailleurs le mettent à l'abri d'un défaut. La surveillance européenne sur Athènes sera plus étroite à l'avenir.

Dans la partie qui se joue depuis deux ans entre Bruxelles et Athènes, la balle est plus que jamais dans le camp grec. Jeudi soir, les ministres des finances de la zone euro ont signifié à leur homologue, le vice-Premier ministre Evangelos Venizelos, qu'ils ne se payaient plus de mots. "Nous avons réexpliqué à notre collègue quel était notre niveau d'attente pour les jours à venir", a dit le président de l'eurogroupe Jean-Claude Juncker à l'issue de la réunion.

La négociation du deuxième plan d'aide à la Grèce, en cours depuis juin 2011, est entré ces derniers jours dans une phase conclusive avec la finalisation d'un programme d'ajustement budgétaire et de réformes économiques drastiques, d'un côté, et celle d'un accord d'échanges d'obligations avec les créanciers privés, de l'autre. Mis ensemble, ces deux éléments garantiraient à Athènes 230 milliards d'euros dont 130 destinés à réduire son stock de dettes et 100 à assurer l'exécution du budget.

Manque de crédibilité

Néanmoins, la plupart des partenaires européens estimaient jeudi, avant même l'ouverture de la réunion, que les engagements grecs manquaient de crédibilité et de précision. Les ministres ne disposaient ni d'un état précis de l'accord sur la participation du secteur privé, ni de l'analyse des experts de la BCE, de la Commission et du FMI sur la soutenabilité de la dette, ni d'un programme détaillé et daté de réformes. "Pour une réunion au niveau des ministres, il faut disposer de ces éléments au moins deux jours à l'avance", s'agaçait une source européenne jeudi.

Dès lors, il ne pouvait s'agir que d'augmenter la pression sur Athènes pour apporter des gages supplémentaires de sa capacité à se plier à la sévère dévaluation interne jugée incontournable par ses bailleurs de fonds. "Il n'y a rien à attendre parce qu'il n'y aura pas de décision ce soir", avait déclaré le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble à son arrivée à Bruxelles jeudi, traduisant un sentiment général d'impatience. "En dépit de quelques échanges de vue musclés, l'atmosphère (de la réunion) était excellente", a précisé Jean-Claude Juncker. Le ministre français François Baroin s'était épargné le déplacement à Bruxelles, laissant le directeur du Trésor monter en première ligne.

Triple mission

Evangelos Venizelos est rentré à Athènes avec une triple mission. Il doit obtenir un engagement du Parlement sur le plan de réforme qui comprend notamment une réduction de 20% du salaire minimum, ainsi qu'une série de réformes du marché du travail, du secteur public et du secteur bancaire. Pour boucler son plan d'économies budgétaires de 3 milliards d'euros en 2012, il doit aussi remplir le « blanc » de 325 millions d'euros correspondant à des coupes dans les retraites que les partis au gouvernement se refusent pour l'instant à faire. Le budget de la défense pourrait être mis à contribution. L'Eurogroupe exige enfin que les partis de gouvernement "s'approprient" le programme arrêté à l'aube jeudi matin entre les négociateurs grecs et ceux des bailleurs internationaux réunis dans la troïka qui rassemble la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI).

Il est nécessaire que ces trois éléments soient "en place avant que l'on prenne une décision dans les prochains jours", a déclaré Jean-Claude Juncker. Une nouvelle réunion de l'Eurogroupe est programmée mercredi 15 février à cette fin.

"Pas de déboursement avant la mise en oeuvre"

Quoiqu'il en soit, le déblocage des nouveaux fonds européens et du FMI n'interviendra qu'à condition que le programme de réformes soit effectivement réalisé, ont averti les partenaires européens d'Athènes. Il n'y aura "pas de déboursement avant la mise en ?uvre" d' "actions préalables" dont la liste précise doit être approuvée mercredi prochain, a insisté Jean-Claude Juncker. La Commission européenne travaille par ailleurs à un plan de renforcement de l'assistance aux autorités grecques qui ont échoué à mettre en ?uvre la plupart des engagements pris depuis 2010.

Enfin, la voie d'un accord avec les banques en vue d'un échange massif d'obligations permettant de réduire de 100 milliards d'euros le stock de dettes du trésor grec semble, elle, dégagée. Il pourrait commencer dès que l'Eurogroupe aura donné son blanc-seing à l'ensemble du paquet. La Banque centrale européenne pourrait participer à cette restructuration de la dette, a indiqué jeudi son président Mario Draghi, en distribuant à ses actionnaires, les Etats de la zone euro, les profits réalisés sur son portefeuille d'obligations grecques achetées sur le marché avec une forte décote. Les remises de dettes des créanciers visent à ramener l'endettement grec dans les limites de 120% du PIB en 2020. Un objectif que de nombreux observateurs jugent irréalistes compte tenu de la nouvelle contraction du PIB grec attendue en 2012.