Les Européens tentés de lâcher la Grèce alors qu'elle s'enfonce dans la récession

Par Robert Jules  |   |  950  mots
Après le vote favorable du Parlement grec sur les mesures d'austérité, les ministres des Finances de la zone euro doivent statuer ce mercredi sur le déblocage d'une deuxième aide à la Grèce de l'ordre de 130 milliards d'euros. Photo : Reuters.
Un mauvais signe, qui ne trompe pas : la réunion de l'Eurogroupe prévue à Bruxelles ce mercredi a été annulée... au profit d'une téléconférence. Certains partenaires européens de la Grèce semblent se résigner à un défaut, surtout après la publication des derniers chiffres : après avoir plongé au quatrième trimestre de 7%, l'économie devrait se contracter de 6,8% en 2011 contre 6% prévu par le gouvernement. Et côté politique, la droite n'a toujours pas signé son soutien au plan d'austérité...

Antonis Samaras, le chef de file du parti conservateur grec Nouvelle démocratie, n'a pas encore apporté son soutien écrit aux nouvelles mesures d'austérité négociées avec la "troïka" des créanciers internationaux de la Grèce, a-t-on appris mardi de source proche des discussions. "Pour l'heure, Samaras n'a pas remis de lettre d'engagement, et c'est un problème", a déclaré cette source à Reuters sous condition d'anonymat. En revanche, George Papandreou, ancien Premier ministre et dirigeant du Parti socialiste (PASOK), a remis l'engagement signé par lequel il apporte son soutien aux mesures adoptées par le parlement grec dans la nuit de dimanche à lundi. Or le soutien des partis politiques au plan du Premier ministre Lucas Papadémos est indispensable pour convaincre les partenaires grecs au sein de la zone euro de débloquer une aide de 130 milliards d'euros sans laquelle la Grèce pourrait être dans l'incapacité de faire face à ses échéances le mois prochain.

Et les mesures drastiques d'austérité imposé par ses partenaires européens continue d'enfoncer la Grèce dans la récession.Pour la cinquième année consécutive, 2011 se solde par une récession économique. Selon les chiffres officiels de l'Autorité des statistiques grec, le PIB s'est contracté de 7% au quatrième trimestre, comparé à un an. Sur l'ensemble de l'année, selon les calculs de l'agence Bloomberg, il se réduit de 6,8% par rapport à 2010, un niveau bien supérieur au 6% sur lequel a été élaboré le budget 2012 de la nation.

Les deux "D"

Ce nouveau chiffre n'est donc pas de nature à se montrer optimiste. En effet, l'Union européenne, à travers la Commission et la Banque centrale, ainsi que le Fond monétaire international (FMI) fait chaque trimestre pression sur Athènes pour obtenir de nouvelles coupes dans les dépenses publiques et de nouvelles taxes pour maintenir les objectifs initiaux. Mais jusqu'à quand? "Il devient de plus en plus difficile de voir comment le pays peut échapper au deux D : le défaut et la dévaluation", estime Steven Barrow, chez Standard Bank.

En attendant, l'ensemble des ministres des Finances de la zone euro qui devait statuer ce mercredi à Bruxelles sur le déblocage d'une deuxième aide à la Grèce de l'ordre de 130 milliards d'euros finalement tiendra une téléconférence, signe que le continent attend de voir concrètement les autorités d'Athènes agir. Et Angela Merkel rencontrera vendredi Mario Monti à Rome pour évoquer notamment la crise grecque.

Le feu vert devrait être donné après la voie ouverte par le vote du Parlement dimanche en faveur d'une nouvelle série de mesures d'austérité favorisé par un accord obtenu - difficilement- entre les partis de la coalition qui soutiennent le Premier ministre Lucas Papademos. Mais celles-ci sont de plus en plus contestées dans la rue comme l'a montré ce jour-là les manifestations les plus importantes dans le pays depuis le début de la crise en 2009 et une montée de la violence comme en a témoigné de nombreux blessés et l'incendie de plusieurs bâtiments.

Accord, même bancal

Sans amélioration de la situation économique, la perspective d'un défaut est plus que jamais d'actualité, même si visiblement les bailleurs de fonds internationaux devraient donner le feu vert. "Bien sûr, il y aura un accord sur la Grèce, même bancal, même provisoire. Personne ne prendra la responsabilité de faire éclater la zone euro alors qu'il est si facile de continuer à financer la Grèce", juge Maurice de Boisséson, chez Octo Finances.

Pour autant, le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaeuble, a réitéré lundi soir à la télévision allemande ZDF ses sombres perspectives : "Nous voulons faire tout pour aider la Grèce à maîtriser cette crise. Ce que nous connaissons en ce moment est beaucoup moins grave que ce qui pourrait arriver à la Grèce si la tentative de garder le pays au sein de la zone euro échouait",  ajoutant qu'en cas d'échec "nous sommes mieux préparés aujourd'hui qu'il y a deux ans auparavant."

Lutter contre la fraude dans les dépenses de santé

De son côté, le gouvernement a énuméré mardi le détail des mesures supplémentaires qui doivent permettre d'économiser 325 millions d'euros dans les comptes de l'Etat. Outre celle d'une réduction de 26% des fonds publicés alloués aux partis politiques réprésentés au parlement qui passent de 54 millions d'euros en 2011 à 40 millions en 2012, c'est le système de la santé qui est visé, avec une réduction des remboursements de 1,3 milliard d'euros. En 2010, les dépenses de santé avaient atteint 13 milliards d'euros, équivalent à 5% du PIB. Outre le recours systématique aux génériques, le gouvernement entend lutter contre la fraude massive, estimée à plus de 500 millions d'euros par la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques, citée par Bloomberg.

Réduction du déficit public de 6,5 points entre 2009 et 2011

Quand aux résultats tangibles de la potion amère que s'impose le pays, selon les chiffres avancés par le Premier ministre Lucas Papademos, il faut compter le gain de 50% en deux ans de la compétitivité perdue entre 2000 et 2009, en unités coûts de travail, une réduction de la balance courante de 15% du PIB en 2008 à 9,4% en 2011, et hors coût de l'énergie et coût de la dette, il est passé de 8% à 0%. Le déficit public a été lui réduit de 6,5 points entre 2009 et 2011, et le déficit primaire (hors service du paiement des intérêts de la dette), il est tombé de 10,6% du PIB en 2009 à 2,4% en 2011.