Bruxelles veut émettre des obligations pour financer des "investissements ciblés"

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  686  mots
La chancelière allemande Angela Merkel et le président du conseil italien Mario Monti. /Copyright AFP
Le prochain président français voit ses marges de manœuvre réduite par l'accélération des discussions autour de l'initiative européenne de croissance et son couplage à la ratification du pacte fiscal. un axe italo-allemand se met en place avant le prochain conseil européen.

Les pièces du puzzle d'une initiative européenne de croissance sont en train de s'assembler rapidement. La manière dont Bruxelles a démenti lundi les informations publiées par le quotidien El Pais au sujet d'un plan Marshall européen de 200 milliards d'euros frisait l'antiphrase. "Nous avons vu des chiffres hautement spéculatifs qui n'ont pas de réalité en ce qui nous concerne", a dit lundi une porte-parole de la Commission européenne. La Commission signifie ainsi qu'elle travaille effectivement à une initiative de croissance (voir l'entretien avec Michel Barnier), mais qu'elle n'en décidera pas le chiffrage elle-même.

Le plaidoyer du président du Conseil italien

"Nous espérons que nous verrons très bientôt les premiers project bonds devenir réalité" pour "financer des projets ciblés", a confirmé lundi la porte-parole de la Commission européenne. La semaine dernière, le président du Conseil italien avait plaidé pour faire la place, à côté des efforts de consolidation budgétaire, à une politique d'investissement public permettant de relancer la demande.

Faut-il en conclure que le favori du deuxième tour de l'élection présidentielle française aurait gagné par anticipation la bataille qu'il annonçait vouloir mener à Bruxelles contre des partenaires européens trop attachés à la consolidation budgétaire ? Ce n'est pas certain, car depuis lundi un autre élément complète ce tableau en recomposition rapide : Rome et Berlin font front commun pour les deux traités européens en cours de ratification : celui qui permet de porter à près de 800 milliards d'euros le fonds de sauvetage européen, et le fameux pacte fiscal qui contraint les pays de la zone euro à viser l'équilibre budgétaire à moyen terme que François Hollande assure vouloir renégocier.

Pacte secret Monti-Merkel?

Le quotidien La Repubblica évoque un "pacte secret Monti-Merkel" en vertu duquel la chancelière allemande Angela Merkel et le président du Conseil Mario Monti organiseraient les ratifications de façon concomitante avec interventions croisées de leurs ministres des Finances devant leur parlement respectif, donnant un contenu à la fois concret et symbolique fort à la nouvelle gouvernance de l'eurozone.

A court terme, la question est de savoir sur quelle ingénierie financière cette initiative de croissance pourrait reposer, sachant que jusqu'à présent la Commission a surtout plaidé pour des mesures dites "structurelles", en d'autres termes réglementaires et donc  "gratuites". La semaine dernière, le président de la Commission et celui du Conseil européens ont appelé coup sur coup à vingt-quatre heures d'intervalle à relever le capital de la Banque européenne d'investissement (BEI).

Un énorme pourvoyeur de fonds, la BEI

Cet énorme pourvoyeur de fonds fonctionne déjà aux limites de sa capacité. Son volume des signatures de prêts a culminé à 79 milliards d'euros en 2009 et se situait encore à 61 milliards en 2011 mais son nouveau président, l'Allemand Werner Hoyer, avait promis au début de cette année de le faire redescendre "autour de 50 milliards" pour ne pas compromettre la solvabilité de la banque et sa précieuse notation triple A. Pour maintenir l'effort ne serait-ce qu'au niveau des années précédentes, il faudrait libérer une partie du capital souscrit mais non libéré par les pays actionnaires de la banque.

Sommet européen les 28 et 29 juin

Une autre option évoquée par le quotidien El Pais consiste dans l'utilisation des ressources du Mécanisme européen de stabilité (MES), mais elle n'a pas été confirmée par Bruxelles qui, au reste, n'a pas la main sur un fonds géré directement par les gouvernements nationaux.

Le prochain président français devra rapidement entrer dans la danse des dirigeants européens dont le rythme s'est accéléré sous l'effet de la détérioration de la situation en Espagne en particulier. Le président du Conseil Herman van Rompuy a annoncé la tenue d'un dîner de travail entre chefs d'Etats et de gouvernement d'ici le sommet formel des 28 et 29 juin 2012 où devrait être présenté, selon la chancelière allemande, ce nouvel "agenda européen de croissance".