La ruée vers les guichets menace le secteur bancaire hellénique

Par Romaric Godin  |   |  684  mots
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Plus d'un milliard d'euros auraient été retirés par les déposants helléniques de leurs comptes. Une hémorragie très préoccupante pour l'économie grecque et la zone euro.

C?est une des grandes peurs économiques qui est peut-être sur le point d?avoir lieu en Grèce : la course aux guichets. Le président de la banque centrale de Grèce, Giorgos Provopoulos a tiré la sonnette d?alarme : au cours de ces derniers jours, les déposants ont retiré de leurs comptes grecs pas moins de 700 millions d?euros. Le président de la république Karolos Papoulias n?a pas caché son inquiétude : « Giorgos Provopoulos m?a dit que la population n?était pas encore en proie à la panique, mais la peur grandit et pourrait déboucher sur un mouvement de panique ». On n?en est pas loin cependant. Selon l?agence allemande Dpa, ce n?est pas moins de 900 millions d?euros qui aurait été retiré lors de la seule journée de lundi. le Financial Times évoque des retraits de 1,2 milliard d?euros pour lundi et mardi.

Inquiétudes

Les déposants helléniques ont toutes les raisons de s?inquiéter. La situation politique est bloquée et on votera à nouveau le 17 juin prochain. Ce que craignent une partie des déposants, c?est évidemment une sortie de la Grèce de la zone euro si les partis anti-austérité réussissent à former une coalition. L?Europe cessera alors de payer et il ne restera donc plus à la Grèce qu?à se déclarer en faillite et à retourner à la drachme pour tenter d?apurer ses dettes et de regagner de la compétitivité. Une perspective dramatique pour les épargnants, car un strict contrôle des changes sera mis en place et on ne sait ce qu?il adviendrait des dépôts en euros. Devant ce danger, beaucoup préfèrent donc « stocker » de l?euro fiduciaire.

Banques grecques en difficulté

L?ennui c?est qu?un « Bank Run », nom anglais de cette course au guichet, serait une catastrophe pour le secteur bancaire grec. Ce dernier est dans un état critique, fragilisé par sa participation à l?offre d?échange des titres grec du mois de mars dernier qui a réduit le bilan des quatre premiers établissements du pays de 28 milliards d?euros. A cela s?ajoute la très mauvaise qualité des crédits aux entreprises, dont 15 à 17 % pourraient faire défaut. En tout, on estime les besoins de capitaux frais du secteur entre 20 et 30 milliards d?euros. Si les épargnants se ruent vers leurs dépôts, elles ne pourront donc pas tenir longtemps et ne peuvent évidemment guère compter sur l?aide de l?Etat déjà exsangue.

Protections

Il existe pourtant une protection théorique, celle du Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) qui a versé 18 milliards d?euros à la banque centrale de Grèce et qui, en tout, met 50 milliards d?euros à disposition du secteur bancaire hellénique. Mais cette somme risque de vite s?épuiser. Le montant total des dépôts dans les banques grecques s?élève à 170 milliards d?euros. Et surtout, compte tenu de la situation politique, il n?est pas certain que le FESF débloque les sommes nécessaires.

Et la BCE ?

La solution serait alors, selon Iannis Ioannides, professeur à l?université de Tuffs dans le Massachusetts cité par le Financial Times Deutschland, une garantie de la BCE sur les dépôts grecs. On n?en prend pas le chemin. Selon le quotidien néerlandais Het Financieele Dagblad, l?absence de recapitalisation des banques grecques a réduit leur accès au refinancement de la BCE qui, depuis fin janvier, aurait été réduit de moitié.

Effets dévasteurs ?

Reste qu?une fuite des dépôts aurait un effet dévastateur. Pour éviter une fuite massive des capitaux, Athènes n?aurait d?autre moyen que d?instaurer un contrôle des mouvements de capitaux. Pas d?autres moyens alors pour faire vivre le pays que d?avoir recours à la planche à billet. Il faudra donc, pour ces deux raisons, sortir de l?euro. Mais le secteur bancaire serait sans doute détruit et avec lui l?ensemble de l?économie.