Ce parti allemand qui veut imposer la sortie de l'euro

Par Romaric Godin  |   |  913  mots
Hans-Olaf Henkel, ancien "patron des patrons" allemand et opposant à l'euro. Copyright AFP
Selon le Handelsblatt, le petite parti des Freie Wähler (électeurs libres) voudraient devenir le "parti anti-euro" lors des élections de septembre 2013. Une perspective inquiétante pour Angela Merkel

Et si le mécontentement allemand contre l'euro prenait une tournure politique ? Selon le quotidien Handelsblatt de ce mardi, un petit parti politique, Freie Wähler, « les électeurs libres », s'apprêterait à vouloir capitaliser sur ce thème lors des élections fédérales de septembre 2013. La décision devrait être prise le 16 juin prochain et le leader de ce parti sera Hans-Olaf Henkel, ancien chef de la Fédération des industriels allemands (BDI) et surtout un des plus violents adversaires de la monnaie unique.

Un parti microscopique... ou presque

« Nous allons porter haut le refus de la politique de sauvetage de l'euro comme seule alternative », a annoncé au Handelsblatt Hubert Aiwanger, secrétaire national des Freie Wähler (FW). Son parti n'est pas un nouveau venu dans le paysage politique allemand. Jusqu'ici, il s'agissait d'une formation conservatrice qui se présentait aux élections locales : communes, arrondissements, Länder. Son grand fait d'armes est d'être parvenu en septembre 2008 à entrer dans le parlement régional de Bavière avec 10,2 % et 21 élus. Il avait alors réussi à capitaliser sur le mécontentement vis-à-vis de la CSU, la s?ur bavaroise de la CDU d'Angela Merkel, au pouvoir depuis la guerre dans le grand Etat du sud. Autrement, il a toujours du mal à se positionner politiquement et a subi des défaites sévères lors des derniers scrutins régionaux : 0,2 % en Rhénanie du Nord Westphalie, 0,6 % dans le Schleswig-Holstein et 0,9 % en Sarre. Sa grande force serait néanmoins ses 280.000 adhérents nationaux, soit près de quatre fois plus que le parti libéral, le FDP.

L'effet Sarrazin

Surtout, les FW compte désormais s'appuyer sur la vague de mécontentement contre la politique européenne d'Angela Merkel qui ne cesse de monter. Preuve en est le succès du dernier livre de Thilo Sarrazin, cet élu social-démocrate qui s'était fait connaître voici deux ans avec un ouvrage anti-immigrés titré « l'Allemagne se défait ». Baptisé cette fois « L'Europe n'a pas besoin de l'euro », son livre critique fortement la politique allemande de sauvetage à tout prix de la monnaie unique et y voit une sorte de « compensation » de la responsabilité allemande durant la dernière guerre. Selon un sondage publié par le Handelsblatt, 41 % des Allemands se disent d'accord avec le titre du livre de Thilo Sarrazin et 60 % sont favorables à une expulsion de la Grèce de l'Union économique et monétaire.

Une voix grandissante

Avec la nouvelle phase de la crise européenne, on entend de plus en plus les voix des opposants à la politique de sauvetage de l'euro dans les médias allemands. Le président de l'institut économique Ifo, Hans-Werner Sinn, est un des porte-parole les plus en vue de ce mouvement. En octobre 2011, il avait publié une « déclaration de Bogenberg», une ville bavaroise, où il développait seize thèses défendant notamment la responsabilité de l'euro dans la crise et la menée d'une austérité stricte. Cette déclaration avait été signée par de nombreux grands patrons allemands, dont Roland Berger, Eckhard Cordes, l'ancien chef de métro. Cette déclaration refusait catégoriquement le spectre de « l'union des transferts » où la vertueuse Allemagne parierait pour les pays indisciplinés. Une crainte qui revient aujourd'hui sur le devant de la scène avec la perspective d'un vote sur le Mécanisme européen de stabilité (MES).

L'exemple des Pirates

Hans-Olaf Henkel est un des principaux leaders de ce mouvement. Auteur d'un best-seller, Sauvez Notre Argent !, il défend la séparation de la zone euro en deux parties, nord et sud. Idée du reste reprise par l'économiste Markus Kerber, qui, ce mardi, a réclamé l'introduction du "Guldenmark", une monnaie commune aux pays en déficit courant. L'ancien "patron des patrons" allemand avait tenté de se rapprocher voici quelques mois de Frank Schäffler, le leader des anti-euros au sein du parti libéral. Mais la mise en minorité de ce dernier a rendu vain l'espoir de faire du FDP le centre de la contestation. Les Freie Wähler pourraient reprendre le flambeau et le médiatique Hans-Olaf Henkel pourrait les y aider par sa notoriété. Tous ont un exemple alléchant de parti contestataire à succès outre-Rhin en tête : les Pirates. Ces derniers viennent d'entrer dans quatre parlements régionaux à la suite et sont crédité de 11 % des voix lors des prochaines élections fédérales. Voici encore un an, ils affichaient des scores inférieurs à 2 % des voix. Dans un contexte médiatique porteur, les FW peuvent donc espérer profiter du mécontentement d'une partie de l'électorat allemand.

Difficile perspective pour la chancelière

Pour Angela Merkel, la perspective d'un parti anti-euro entrant au Bundestag serait catastrophique. Les Freie Wähler visent en effet, comme en Bavière en 2008, l'électorat conservateur déçu de la chancelière. Ce n'est pas pour rien que la très conservatrice Bavière est le foyer de ce parti. Si le mouvement prend de l'ampleur, la CDU et la CSU pourraient y perdre des plumes. Du coup, la chancelière pourrait être tenté de durcir son discours européen pour ne pas voir cet électorat lui échapper. Les prochains sondages seront donc à observer de près ainsi que les manifestations contre le MES, notamment celle prévue le 2 juin à Munich. Si les FW émergent comme une force d'importance, les conséquences sur le reste de l'Europe pourraient être considérables.