A Gare du Midi, à Bruxelles, ING drague les candidats à l'exil fiscal

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  635  mots
Panneau publicitaire d'ING, Gare du Midi, à Bruxelles /Copyright DR
Certaines banques n'hésitent pas à vanter les avantages fiscaux de la Belgique, en particulier aux riches voyageurs français qui empruntent le train à Bruxelles.

Si vous prenez le Thalys entre Bruxelles et Paris, vous ne pouvez pas le rater. La soixantaine, l'air profondément serein, il vous regarde droit dans les yeux un sourire à peine esquissé sur les lèvres. Pour vous dire quoi ? Qu'il « attend » d'un « private banker » qu'il aille « droit au but ».

Des avantages à résider en Belgique

ING, qui signe cette campagne de pub un peu particulière, n'y va effectivement pas par quatre chemins pour draguer la clientèle fortunée qui commute entre Paris et Bruxelles, notamment celle des messieurs qui, comme celui de la photo, aiment qu'on leur parle sans simagrées des avantages qu'il y a à résider en Belgique. « Vous comptez vous installer en Belgique ? Faites confiance à un Private Banker qui parle sans langue de bois », invite la publicité. Parler « sans langue de bois », certes, mais de quoi ? Des conditions de devenir résident en Belgique où l'imposition du patrimoine est notoirement très inférieure à celle de la France ? « Cette publicité ne s'adresse pas uniquement aux Français mais à toute personne désirant s'installer en Belgique », explique-t-on chez ING.

Taxer à 75% les revenus supérieurs à plus d'un million d'euros

En mars, l'annonce, par le candidat socialiste François Hollande, de son intention de taxer à 75% les revenus de plus d'un million d'euros par an avait fait chauffer les téléphones des quelques cabinets de fiscalistes bruxellois spécialisés dans le conseil aux grandes fortunes. « Il est encore un peu tôt pour pouvoir évaluer les effets du nouveau contexte politique en France, mais il est clair que nous sommes à la disposition de toute nouvelle clientèle potentielle », explique la banque. Le vrai fossé fiscal entre la France et la Belgique se situe moins du côté des revenus salariés que du patrimoine. Par exemple, les plus-values de cessions d'actions ou de parts sociales ne sont pas taxées en Belgique, alors qu'elles font l'objet d'un prélèvement de 30% en France.

L'écart est considérable, largement suffisant en tout cas pour alimenter un flux régulier d'exilés fiscaux qui viennent grossir les rangs de la clientèle belgo-belge fortunée des banques de la place. ING n'est pas la seule sur les rangs. Elle n'est d'ailleurs pas la mieux placée sur le marché du « private banking », ces services bancaires de détail et de placement réservés aux clientèles fortunées.

KBC et BNP Paribas Fortis également présentes sur ce segment

Selon une enquête du quotidien belge L'Echo publiée ce mercredi, KBC et BNP Paribas Fortis dominent le marché avec plus de 50 milliards d'actifs sous gestion, ING étant cinquième avec 16 milliards d'euros.

Cependant, les données sont difficilement comparables. La filiale de la banque néerlandaise a, toujours selon L'Echo, une définition plus stricte du private banking : elle n'y inclut que les patrimoines de plus de un million d'euros, quand la banque française ou sa concurrente flamande donnent accès au private banking à des portefeuilles de « seulement » 250.000 euros.

Présente des deux côtés de la frontière

Du côté de BNP Paribas Fortis, qui a aussi fait un effort de développement du private banking depuis le rachat de Fortis en 2009, on se montre serein quant aux possibles effets d'une sur-taxation sur la clientèle, la banque étant présente des deux côtés de la frontière. « Nous n'avons pas de plan d'actions en fonctions des annonces », a fortiori si les mesures annoncées ne sont pas effectives, signale-t-on du côté de la banque aux étoiles.

"Le marché belge du private banking est très compétitif », confirme le consultant cité par nos confrères de L'Echo. Ceci explique sans doute la présence gare du Midi de ce sexagénaire souriant