Sommet européen : comment le couple italo-espagnol a emporté la mise

Par Florence Autret, à Bruxelles  |   |  609  mots
Mario Monti, président du Conseil italien, s'exprime devant les journalistes après une nuit de tractations au Conseil européen /Copyright AFP
Mario Monti et Mariano Rajoy ont fini par obtenir des 17 États-membres qu'ils fournissent à l'Italie et à l'Espagne un bouclier contre les marchés et recapitalisent leurs banques. Une nuit de négociations qui a vu un François Hollande contraint de composer avec ce "coup de force".

« Chantage ? Je ne crois pas que ce soit le mot. Ce n'est pas la méthode de Mario Monti ni, pour autant que je sache, celle de Mariano Rajoy », commentait dans la nuit de jeudi à vendredi François Hollande en marge du sommet européen. La déclaration tenait presque de l'antiphrase. Le président français était venu à Bruxelles cette semaine engranger le fruit de ses efforts pour arracher un « pacte pour la croissance et l'emploi » à ses partenaires européens. Il s'en est fallu de peu qu'il fasse chou blanc.

Peu avant le début de la négociation, les Premiers ministres italien et espagnol ont pris en otage « son » pacte, disant qu'ils ne l'adopteraient pas sans engagement ferme sur des mesures de court terme visant à relâcher la pression des marchés sur leur dette. Herman van Rompuy qui avait imprudemment annoncé un accord sur le pacte de croissance en début de soirée, a du rétropédaler. « Deux pays tiennent à ce qu'il y ait un accord à la fois sur les mesures de court terme et de long terme », a expliqué le président du Conseil vers 22 heures. François Hollande qui a bien dû composer avec le coup de force de Monti et Rajoy s'est rallié à leur position. « Je les comprends », a-t-il dit, beau joueur, lors d'un point presse improvisé après neuf heures d'une rencontre qui devait en durer treize.

L'agacement de Herman Van Rompuy

La man?uvre a surpris tout le monde, exaspérant la chancelière allemande, qui a promis à son parlement de rentrer de Bruxelles avec le Pacte de croissance, gage de ratification par la France du traité fiscal et exigence des sociaux-démocrates. D'ordinaire si calme, Herman van Rompuy était franchement agacé, ont indiqué des sources proches des discussions. Mis au pied du mur, les dix-sept chefs d'Etat et de gouvernement ont dû entamer à une heure du matin la réunion dédiée à la crise de l'euro qu'ils avaient prévu pour le déjeuner de ce vendredi. Mario Monti s'est montré inflexible.

Le MES ne sera pas un créancier privilégié

Le calcul de Monti et Rajoy a payé. Peu avant cinq heures du matin, les Dix-Sept ont livré l'épure de leur plan pour l'Espagne et pour l'Italie. La première non seulement va bénéficier de prêt du fonds de soutien européen pour recapitaliser ses banques, ce qui était prévu, mais elle pourra à terme, probablement pas avant 2013, se défaire des dettes contractées auprès de ce fonds. La condition exigée par Berlin pour ce faire est la mise en place d'une supervision des banques de la zone euro centralisée auprès de la Banque centrale européenne (BCE). La Commission européenne doit faire des propositions « très rapidement » sur la base de l'article 127.6 qui offre cette possibilité. L'objectif est d'aboutir avant la fin de l'année. Par ailleurs, le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui reprendra et complètera les engagements pris par le Fonds de stabilité (FESF) renonce à son statut de créancier senior, une exigence de Madrid qui avait peur de voir fuir les investissements si le MES avait été créancier privilégié.

Mario Monti a de son côté obtenu de pouvoir faire intervenir le fonds de stabilité pour racheter la dette de la Péninsule sans avoir à remplir de conditions autres que celles auxquelles se plie déjà le pays en tant que membre de la zone euro. « Le processus a été dur, le résultat a été bon », a dit Mario Monti en quittant le Conseil à l'aube.