Grèce : 31 milliards d'euros pour quoi faire ?

Par Elisa Perrigueur, à Athènes.  |   |  663  mots
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31,5 milliards d'euros devraient bientôt être accordés à la Grèce, à condition que la troïka accepte le plan d'économie grec. Mais à quoi servira cette somme dans une économie déjà à l'agonie.

L?hôtel Kavos Bay surplombe la mer azur et offre une vue imprenable sur Egine, de la petite île à proximité d?Athènes. Cette année, toutefois, ce cadre idyllique n?a pas séduit les touristes. Nikos et Irina Krassas, gérants de cette entreprise familiale, déplorent « une saison catastrophique. » Les propriétaires ont touché 10 000 euros de recettes en 2012. Une somme bien éloignée des 70 000 euros annuels que générait leur entreprise il y a encore 5 ans. « Cet été, l?hôtel était vide, nous avons dû brader les chambres, de 60 euros elles sont passées à 25 euros », raconte Irina. «Nous avons 30 000 euros de coûts divers (communication, paiement du personnel?), 6000 euros d?assurance et 7000 euros d?électricité à payer. » Pour couvrir les dépenses, Nikos a pris un second emploi de chauffeur de bus. Cette année,Kavos Bay a fermé ses portes un mois et demi plutôt, en septembre.

L?anecdote de ce couple n?est pas unique en Grèce. Pour de nombreux propriétaires ou gérants, tout nouvel investissement est impossible depuis deux ans. « L?Etat ne nous donne pas d?aide, les taxes augmentent », signale Irina. « Nous ne pouvons plus acheter de nouvelles fournitures, nous ne pouvons plus entretenir notre bien. »


Economie interne paralysée


En Grèce, les plans de rigueur s?accumulent, mais n?apportent pas les effets escomptés. L?austérité appliquée aux Grecs comprime davantage les rentrées fiscales de l?Etat et contribue à la paralysie de l?économie interne.Les chiffres 2012 sont éloquents. Les investissements bruts de capitaux ont chuté de 19,4% dans le pays.La dépense totale de consommation a reculé de 7,2% au deuxième trimestre 2012.Comme le notent plusieurs analystes économiques, la rigueurpeut s?avérer contre-productive et augmenter la charge de dette d?un pays.


Financer les banques avant de relancer l?économie


Sur la nouvelle tranche d?aide de 31,5 milliards d?euros, qui pourra être débloquée un échange d?un nouveau plan d?austérité, « 25 milliards iront à la recapitalisation des banques (Banque Nationale de Grèce, Alpha bank, Eurobank et Banque du Pirée) », précise un banquier athénien. Les créanciers (UE, BCE et FMI) ont en effet dégagé en février dernier 50 milliards d'euros pour soutenir les banques du pays. Un premier versement de 25 milliards d?euros leur a déjà été octroyé. Une recapitalisation bancaire est en effet essentielle aux yeux de l?UE, afin d?éviter un effet de contagion de la chutes des banques en Europe.


« Le reste de ces 31,5 milliards d?euros sera donné au gouvernement, afin qu?il rembourse ses dettes auprès des entrepreneurs privés, soit 6,5 milliards d?euros », poursuit le banquier athénien. Il plaide : « indirectement, cet argent ira à la relance de l?économie puisque les entrepreneurs pourront rémunérer leurs salariés. » Sur les 130 milliards d?euros de prêts accordés la troïka en février dernier, la majorité sert en réalité à payer les intérêts de la dette grecque (soit les créanciers internationaux).


La grogne sociale monte


Malgré la paralysie économique du pays, seule une faible part est donc allouée à la relance de l?économie. Un constat qui fait naître un fort sentiment d?injustice chez les Grecs. « Nous payons toujours plus pour obtenir ces aides de la troïka, mais nous n?obtenons aucun résultat, on se demande parfois si il y a de l?argent versé? », s?indigne Georgia fonctionnaire au ministère de l?écologie.


Frédéric, un entrepreneur français installé en Grèce depuis 20 ans renchérit : « Les nouvelles mesures d?austérité sont absurdes.La dette ne peut pas être payée avec une activité zéro ! » Depuis plusieurs jours, la contestation sociale monte à Athènes. La capitalechaque jour son lot de protestataires défiler. Lundi prochain, les syndicats grecs ont appelé à une énième mobilisation générale, place Syntagma.