Erasmus fera-t-il les frais de l'austérité européenne ?

Par Pierre Manière  |   |  583  mots
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Victime de la crise des dettes, le célèbre programme d'échanges d'étudiants de l'Union européenne, qui fête cette année ses 25 ans, est à court d'argent. Si la Commission a demandé mardi une rallonge de près de 9 milliards d'euros, destinée à combler les coupes du budget 2012 qui menacent ces bourses universitaires, rien n'est encore joué pour les années à venir. Explications.

Erasme a dû s'en retourner dans sa tombe. Pour sûr, le célèbre prêtre, écrivain et théologien néerlandais du XVe siècle, qui a bourlingué à travers le Vieux Continent pour s'enrichir de ses différentes cultures, n'a pas dû apprécier la triste nouvelle : le plus connu des programmes d'échanges européens, qui porte son nom, serait sur le fil du rasoir. Conséquence de la crise des dettes et de l'austérité budgétaire, Erasmus, après 25 ans d'existence cette année, n'a plus un rond. Concrètement, il lui manquerait quelques 90 millions d'euros pour achever l'exercice.

Erasmus n'est pas le seul programme communautaire destiné à l'éducation et à la recherche menacé. Et pour cause : pour clôturer l'exercice 2012 à l'équilibre, Bruxelles a demandé aux 27 pays membres de l'UE une enveloppe de 132,7 milliards d'euros. Problème : ceux-ci ne sont prêts qu'à lui en reverser 129,1 milliards. A cela, il faut ajouter quelques 5 milliards d'euros dépensés cette année pour régler les factures de l'exercice précédent, dont le budget était déjà dans le rouge.

Un porte-étendard des valeurs de partage et d'intégration européenne

Troublé par ces chiffres, Alain Lamassoure a tiré la sonnette d'alarme. Le 2 octobre dernier, le président de la commission des budgets du Parlement européen a déclaré que bientôt, "ce sera [au] tour d'Erasmus" de se retrouver en cessation de paiement. Quelques dépêches plus tard et moult reprises dans les médias, ses propos font mouche auprès de l'opinion. Alain Lamassoure le sait bien : Erasmus, qui a permis à 2,3 millions de jeunes d'étudier sur le Vieux Continent, s'est au fil des ans imposé comme un porte-étendard des valeurs de partage et d'intégration européenne.

Surtout, le programme concerne les jeunes, cette population touchée de plein fouet par la crise, qui compte désormais 14 millions de laissés pour compte au sein de l'UE. Et dont une large frange a affiché son ras-le-bol des politiques nationales et communautaires à travers le mouvement des Indignés. En clair : pas touche...

Bataille pour les budgets à venir

Profitant de l'émoi suscité par une possible fin du programme, la Commission européenne a adopté mardi une rallonge de près de 9 milliards d'euros pour combler son trou dans le budget 2012. Victoire? Pas tout à fait. En premier lieu, les Etats membres devront accepter de mettre la main au portefeuille, à l'heure où l'UE s'est presque intégralement mise au diapason de l'austérité. Surtout, des interrogations demeurent pour les années à venir.

De fait, le budget communautaire de l'UE pour 2013 est au centre de la polémique. Alors que la Commission l'a évalué à 138 milliards (+6,8% par rapport à 2012), plusieurs pays rechignent à passer à la caisse. Parmi eux, des contributeurs aussi important que la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, membres éminents du club des "amis du dépenser mieux".

Risque d'un veto britannique

Pis, ces pays souhaitent aussi tailler dans les propositions de la Commission européenne pour le budget pluriannuel 2014-2020. Signe des tensions qui caractérisent ces négociations, David Cameron, en proie à une vive grogne sociale, a fait parlé la poudre. Début octobre, le Premier ministre britannique s'est dit prêt à dégainer son veto lors du sommet extraordinaire des 22 et 23 novembre, lorsque la question du budget communautaire reviendra sur la table. Si ces négociations devaient capoter, Erasmus, comme d'autres projets européens liés à la recherche ou l'éducation, pourrait alors trinquer.