Euro fort : ce qu'a vraiment dit François Hollande

Par Romain Renier  |   |  749  mots
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François Hollande s'est prononcé mardi pour la mise en place d'un objectif de change au niveau européen, afin de lutter contre les politiques monétaires chinoise, américaine et japonaise à des fins concurrentielles. Mais sur le fond, le président de la République a surtout défendu une concertation des membres de la monnaie unique entre eux sur la valeur réelle de l'euro. Ce afin d'arriver groupés pour négocier la mise en place d'une réforme monétaire internationale avec les membres du G20. Mais face à la fin de non recevoir imposée par l'Allemagne, la partie s'annonce compliquée pour François Hollande.

En se prononçant pour qu'un "objectif de change à moyen terme" soit fixé par les européens pour l'euro, François Hollande a frappé un grand coup sur le plan symbolique. Toutefois, il ne faut pas y voir une prise de position pour la mise en place d'une politique monétaire expansionniste visant à affaiblir l'euro.

Car sinon la force de l'euro, c'est la faiblesse du yuan et du dollar, et la mise en place de politiques monétaires à des fins concurrentielles par la Chine, les Etats-Unis et le Japon, qui était au c?ur du discours de François Hollande. Ainsi, selon lui, "certains pays comme les Etats-Unis ou la Chine utilisent aussi leur taux de change à des fins de soutien de leur propre croissance".

L'indépendance de la BCE n'est pas visée

Pas question toutefois d'entrer dans la guerre des monnaies. "Se lancer dans la guerre des changes conduirait à une destruction mutuelle" commente en ce sens Étienne Farvaque, économiste et auteur de La Banque centrale européenne (Broché). Et ça n'est pas là la stratégie défendue par François Hollande, qui n'a évoqué ni politique monétaire expansionniste, ni manipulation de taux de change de l'euro.

Tout juste la Banque centrale européenne a-t-elle été égratignée concernant son rôle par le président de la République, pour qui "une zone monétaire doit avoir une politique de change" afin de ne pas être soumise "aux humeurs des marchés".

Mais "il ne s'agit pas d'assigner de l'extérieur un objectif à la BCE", s'est défendu François Hollande. De fait, la Banque centrale européenne est seule décisionnaire de la politique de change au niveau de la zone euro, et sa mission est d'assurer la stabilité des prix. Tenter d'imposer une stratégie à l'institut de Francfort n'aurait de toute manière pour effet que de "provoquer un raidissement de la BCE", selon Étienne Farvaque.

Une réforme monétaire internationale

"Nous devons agir au niveau international pour que nous puissions faire valoir nos propres intérêts," a alors plaidé François Hollande, évoquant le seul levier restant à la zone euro pour contrer l'appréciation de la monnaie unique par rapport au yen et au dollar. Plusieurs responsables français avaient évoqué récemment le rôle que jouerait la France à l'Eurogroupe et au sommet du G20 de la mi-février pour un retour à un niveau des parités jugé plus juste.

Ainsi le président de la République milite-t-il pour que les chefs d'États et de gouvernements se déterminent "sur le moyen terme sur un niveau de change qui (...) paraît le plus réaliste, le plus compatible avec l'état de l'économie réelle". Reste à savoir comment les européens peuvent arriver groupés face à la Chine, aux Etats-Unis et au Japon.

L'Europe désunie sur la question de la valeur de l'euro

Car sur la question de la valeur réelle de l'euro, le débat reste entier. Ainsi, suite aux propos de François Hollande, le ministre des finances Philipp Rösler a-t-il immédiatement réagi en considérant que "l'objectif doit être de renforcer la compétitivité au lieu d'affaiblir la monnaie", campant sur les positions allemandes traditionnelles selon lesquelles l'euro ne serait pas surévalué.

Hors zone euro, le président de la République ne pourra sans doute pas non plus compter sur le soutien de David Cameron, qui n'a pas intérêt à voir le niveau de la livre sterling remonter par rapport à l'euro. Ce qui ferait perdre au Royaume-Uni une partie de son avantage compétitif sur la zone euro.

Une récente étude de Deutsche Bank souligne les divergences d'intérêts qui minent la monnaie unique. Selon la banque allemande, le niveau de l'euro à partir duquel l'économie française est fragilisée se situerait autour de 1,22-1,24 dollar, et 1,16-1,17 dollar pour l'Italie. Tandis qu'il serait de 1,54-1,94 dollar pour l'Allemagne. François Hollande pourrait encore trouver un soutien en la personne de Mario Monti, le président du Conseil italien pour quelques semaines encore.

La hausse de la monnaie unique par rapport au yen et au dollar n'est par ailleurs pas sans effet néfaste pour ses membres périphériques, en annihilant les efforts de dévaluation interne consentis depuis le début de la crise. Mais ces soutiens potentiels risquent de n'avoir que peu de poids face à la ligne de Berlin.