Chypre : la taxe sur les dépôts est l'option "la moins douloureuse"

Par latribune.fr  |   |  697  mots
Copyright Reuters
Le président chypriote Nicos Anastasiades a estimé dimanche avoir choisi l'option "la moins douloureuse" en acceptant un plan de sauvetage européen avec une taxe sur les dépôts bancaires en échange d'un prêt de 10 milliards d'euros. Le vote du parlement ce lundi n'est pas assuré.

"J'ai choisi l'option la moins douloureuse, et j'assume le prix politique pour cela, afin de limiter autant que possible les conséquences pour l'économie et pour nos compatriotes chypriotes." Nicos Anastasiades, le président de Chypre, s'exprimait dimanche soir à la nation après avoir conclu samedi à l'aube à Bruxelles un accord pour un plan de sauvetage prévoyant un taxe sans précédent sur les comptes bancaires de tous les résidents de l'île. Cette taxe pourra s'élever jusqu'à 9,9%. Selon l'Eurogroupe, elle pourrait rapporter 5,8 milliards d'euros.

Le vote au Parlement sur le plan d'aide, initialement prévu dimanche, doit finalement avoir lieu ce lundi. Nicos Anastasiades a espéré que l'Eurogroupe amende ses décisions dans les prochaines heures pour limiter l'impact sur les petits déposants d'une taxe exceptionnelle prévue sur les dépôts bancaires. Il a assuré avoir "bataillé jusqu'à la fin" au sommet de l'Eurogroupe.

Les banques fermées ce lundi

Selon la chaîne privée Sigma TV, des négociations sont en cours avec la Banque centrale afin que les banques restent fermées mardi, après le lundi férié, pour empêcher des retraits massifs de fonds dans un vent de panique. L'annonce de cette taxe exceptionnelle a provoqué la colère des déposants à Chypre, alors que la rumeur d'une telle mesure avait à plusieurs reprises été démentie par les autorités chypriotes. "Je partage totalement le mécontentement causé par une décision difficile et douloureuse", a dit le président conservateur dans son discours télévisé.

Un vote non-assuré au parlement

Le président Anastasiades avait repoussé le débat parlementaire, selon Sigma TV, de crainte que le texte ne soit rejeté - une éventualité qui verrait toute l'économie s'effondrer, a-t-il souligné. Sigma TV a indiqué que Nicos Anastasiades peinait à s'assurer ne serait-ce qu'une majorité simple pour soutenir le texte au Parlement, dans lequel son parti de droite, le Disy, ne détient que 20 des 56 sièges. Le parti socialiste Edek s'est opposé à la mesure dimanche la qualifiant de "catastrophique". Le parti communiste Akel, qui dispose de 19 sièges, avait rejeté les contreparties exigées par Bruxelles en échange de l'aide lorsqu'il était au pouvoir, jusqu'à l'élection de M. Anastasiades en février.

Même les partenaires du président dans la coalition gouvernementale ont émis des réserves. Le dirigeant du Diko de centre-droite, Marios Garoyian, a indiqué avoir évoqué avec le président la recherche de "solutions alternatives", tandis que certains des neuf députés du parti ont fait part de leur désaccord.

L'ancien président chypriote George Vassiliou, un europhile, a appelé les députés à accepter l'accord affirmant que c'était le seul acceptable pour les pays bailleurs de fonds comme l'Allemagne.

>>Chypre : le parlement se prononcera sur la taxation bancaire lundi

Des actions en échange

Chypre avait initialement demandé 17 milliards d'euros. Afin de réduire leur participation à ce prêt, les bailleurs de fonds ont demandé à Nicosie d'instaurer une taxe exceptionnelle de 6,75% sur tous les dépôts bancaires en-deçà de 100.000 euros et de 9,9% au-delà de ce seuil.

>>Chypre : comment on en est arrivé là

Le président a voulu rassurer la population, expliquant que les prélèvements ne seraient pas "une perte définitive", car en échange les déposants obtiendraient des actions dans les banques touchées par la crise. Quiconque maintient son dépôt pour plus de deux ans recevra des obligations liées aux recettes de l'Etat à venir du gaz naturel.

Les Russes et les Britanniques touchés

La mesure touche aussi les milliers d'expatriés britanniques et russes vivant et travaillant sur l'île. Selon des estimations citée dimanche à Moscou, les avoirs russes dans l'île s'élèvent à au moins 20 milliards de dollars. Londres a annoncé une compensation pour les militaires et fonctionnaires britanniques résidant à Chypre.

Le secrétaire général de l'OCDE Angel Gurria a estimé que la taxation des dépôts bancaires était préférable pour les épargnants aux "pertes sérieuses" qu'ils auraient subi en cas de faillite du secteur bancaire chypriote.