Chypre : mais qui a eu l'idée de taxer les dépôts bancaires ?

Par Mounia Van de Casteele  |   |  766  mots
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A Chypre, la taxation des dépôts bancaires inférieurs à 100.000 euros est remise en cause. Elle pourrait même être abandonnée. Mais qui a eu l'idée de cette mesure visant à compenser l'aide de 10 milliards d'euros accordée au pays le 16 mars?

Qui a eu l'idée de taxer les dépôts bancaires à Chypre? Plusieurs responsables européens se renvoient la balle. Face à la colère des Chypriotes et à l'inquiétude des marchés, la zone euro a replongé dans la cacophonie lundi.

Rapide retour en arrière: samedi matin à l?aube, les bailleurs de fonds internationaux accordent une aide de 10 milliards d?euros à l'île. Un plan en contrepartie duquel Chypre s?engage à taxer les dépôts bancaires. Avec des dépôts inférieurs à 100.000 euros taxés à 6,75%, les petits épargnants doivent donc payer le prix fort. Les dépôts de plus de 100.000 euros seront eux taxés à hauteur de 9,9%.

Moscou réfléchit

Cette taxation doit en effet permettre de compenser le montant de l?aide revu à la baisse par le FMI, la BCE et l'Eurogroupe, en rapportant, selon l?Eurogroupe, quelque 5,8 milliards d?euros. Sachant qu'initialement, les Chypriotes demandaient 17 milliards d?euros. La Russie doit, de son côté, contribuer à une rallonge de 2,5 milliards d'euros. Mais la décision de taxer les épargnants a toutefois poussé Moscou à "examiner la question de [leur] participation", a déclaré Anton Siluanov, le ministre des Finances russe.

Les bailleurs de fonds souhaitaient taxer uniquement les dépôts de plus de 100.000 euros

Or, selon le Financial Times daté de lundi, un haut responsable européen aurait confié au journal qu?initialement les bailleurs de fonds internationaux souhaitaient que seuls les dépôts supérieurs à 100.000 euros soient taxés, et ce, à hauteur de 15,6%. Des dépôts qui sont détenus en grande partie par des Russes, rappelle le quotidien britannique. "Avec le FMI, les Allemands ont voulu taxer les déposants à Chypre jusqu'à 40%", a de son côté précisé une source diplomatique européenne sous couvert d'anonymat. "Il y a eu des mises en garde mais ils n'ont pas voulu écouter. Le comble maintenant est qu'ils n'assument pas."

Deux jours à peine après avoir difficilement ficelé l'accord, l'Allemagne, la France et la Banque centrale européenne (BCE) affirmaient ainsi ne pas être à l'origine de la proposition de taxer l'ensemble des déposants. Et dès dimanche, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, avait affirmé que Berlin s'était prononcé en faveur d'une protection des petits épargnants. Le gouvernement allemand, tout comme le FMI, a proposé une solution qui "respecte la garantie des dépôts", a déclaré Wolfgang Schaüble. Tout comme l'a fait Pierre Moscovici de son côté, ce lundi. "J'ai plaidé l'exemption des dépôts sous 100.000 euros depuis le départ", a-t-il affirmé à la presse au lendemain d'une nouvelle réunion, téléphonique, avec ses homologues de la zone euro, pour rectifier le tir après l'accord très critiqué sur l'aide à Chypre.

La faute au gouvernement chypriote ?

Pour le ministre des Finances allemand, la faute revient au gouvernement chypriote, à la Commission européenne et à la BCE. Ce sont "eux qui ont choisi cette solution et ils doivent maintenant s'en expliquer auprès du peuple chypriote".

Selon lui, la responsabilité incombe au président chypriote qui ne souhaitait pas que les gros dépôts soient taxés à plus de 10%. D'après une source européenne proche du dossier citée par le Financial Times, "du coup, si vous faites le calcul, vous tombez sur 6,75% et 9,9%". "C'était la solution la moins douloureuse", a pour sa part plaidé dimanche le président Nicos Anastasiades face à la grogne générale. Or, depuis, Nicos Anastasiades a renvoyé la responsabilité à la troïka (BCE, UE, FMI). Selon lui c'est elle qui l'aurait poussé à instaurer des taux inférieurs à 10%.

La zone euro plaide pour une exemption des dépôts inférieurs à 100.000 euros

De son côté, "la zone euro continue de soutenir l'idée que les petits déposants doivent être traités différemment des grands déposants et elle réaffirme l'importance de garantir totalement les dépôts en-deçà du seuil de 100.000 euros", indique l'Eurogroupe dans un communiqué. Son président, le néerlandais Jeroen Dijsselbloem, en a profité pour rappeler que "la taxe sur les dépôts bancaires est une mesure exceptionnelle". "Elle permettra avec le programme d'assistance financière de restaurer la viabilité du système bancaire chypriote et de garantir la stabilité financière du pays. Sans cette mesure, Chypre ferait face à des scénarios bien plus terribles pour ses déposants", a-t-il ajouté. Reste que le Parlement doit se prononcer sur cette taxation très polémique ce mardi.

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