Chypre s'accorde avec l'UE et le FMI et restera dans la zone euro

Par Adeline Raynal (avec agences)  |   |  826  mots
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Chypre a trouvé dans la nuit de dimanche à lundi un accord avec ses bailleurs de fonds internationaux pour éviter la faillite et la sortie de la zone euro, au prix de lourdes pertes pour les créanciers de la première banque du pays et la fermeture pure et simple de la deuxième. Les dépôts en dessous de 100.000 euros ne seront pas taxés.

Non, Chypre ne fera pas faillite ! Le pays évite in extremis la banqueroute grâce à un accord conclu dans la nuit de dimanche à lundi à Bruxelles. Il conservera l'euro.

C'est au terme d'une nouvelle journée de négociations tendues que Chypre, l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont finalement réussi à arracher un accord. En échange d'un prêt de 10 milliards d'euros, le président chypriote Nicos Anastasiades a accepté la fermeture pure et simple de la Popular Bank of Cyprus (Laïki) et la restructuration de la Bank of Cyprus.

Ultimes négociations

Nicos Anastasiades était arrivé dimanche en début d'après-midi au siège du Conseil européen pour une rencontre de la dernière chance. Il avait pu s'entretenir avec le président du Conseil européen Herman Van Rompuy et celui de la Commission européenne José Manuel Barroso, bientôt rejoint par les présidents de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi et de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, ainsi la directrice du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde. Une rencontre de l'Eurogroupe a débuté à 18h pour s'achever tard dans la nuit.

Après pas moins d'une douzaine d'heures de négociations, l'accord conclu prévoit de liquider la Laïki, ce qui provoquera des milliers de suppressions d'emplois. Elle sera divisée en deux parts : l'une assainie ("good bank") et l'autre conçue comme une structure de défaisance ("bad bank") qui contiendra les actifs les plus dangereux. Les dépôts en deçà de 100.000 euros ne seront pas taxés. Ceux de la Laïki seront transférés vers la première banque du pays, la Bank of Cyprus. En revanche, les dépôts des deux banques allant au-delà de 100.000 euros seront gelés et serviront à régler les dettes de Laïki, et à recapitaliser la Bank of Cyprus, via une conversion des dépôts en participations. Les créanciers des deux banques seront donc lourdement touchés. Les pertes qu'ils subiront demeurent non chiffrées mais pourraient aller jusqu'à 40%.

La Bank of Cyprus sauvée

Mais ces prélèvements permettront à Chypre de lever 4,2 milliards d'euros, afin de compléter le plan de sauvetage international, comme l'a expliqué dimanche 24 mars Jeroen Dijsselbloem, le président de l'Eurogroupe. Il a en outre reconnu que les porteurs d'obligations de Laïki verraient leurs titres anéantis et que ceux de Bank of Cyprus seraient mis à contribution. "Le Conseil des gouverneurs de la BCE alimentera en liquidités la Bank of Cyprus , selon les règles en vigueur" indique l'accord. La Bank of Cyprus se verra également verser les neuf milliards d'euros de liquidités allouées par la BCE à la Laïki, alors que la première banque chypriote a déjà reçu de son côté un milliard d'euros. Grâce à l'accord de cette nuit du 24 au 25 mars, la Bank of Cyprus, le premier établissement du pays qui compte beaucoup de déposants russes, ne disparaîtra pas. Une fermeture que les autorités voulaient éviter à tout prix.

"Cet accord est le meilleur que nous pouvions obtenir pour parvenir à une solution solide, soutenable qui restreigne le problème aux deux banques" à problème, a estimé la directrice du FMI. Des sources proches des négociations ont rapporté plus tôt dans la soirée que les négociations avaient été très difficiles et que le président chypriote Nicos Anastasiades, élu il y a à peine plus d'un mois, avait menacé de démissionner.

Une aide européenne versée dès le mois de mai

Au final, la première tranche d'aide en provenance de la troïka sera versée à Chypre au mois de mai. Selon le ministre des finances allemand, le texte sera appliqué quel que soit le résultat du vote par le Parlement chypriote. Celui-ci avait rejeté mardi dernier à l'unanimité un précédent accord, qui prévoyait de ponctionner les dépôts dans les banques chypriotes à hauteur de 6,75% en dessous de 100.000 euros et de 9,9% au-delà, afin de lever au total 5,8 milliards d'euros. "Il aurait seulement fallu adopter d'autres lois si une taxe sur les dépôts non assurés avait été évoquée, mais ce n'est pas nécessaire pour restructurer les banques en question", a estimé dimanche Wolfgang Schäuble.

Si à la Bourse de Tokyo et à Hong Kong, la nouvelle de cet accord a été bien accueilli, sur l'île méditerranéenne, la colère des habitants n'était pas retombée dimanche. Un engin explosif a même légèrement endommagé une succursale de la Bank of Cyprus dimanche soir, près de Limassol, selon des médias locaux. Les clients des deux plus grandes banques du pays doivent composer avec une nouvelle limitation des retraits aux distributeurs à 120 euros par jour et par personne à la Bank of Cyprus, et 100 euros à la Laiki, selon l'agence CNA.