Mario Draghi se veut rassurant mais ne convainc pas

Par Romaric Godin  |   |  703  mots
A l'issue de l'annonce d'une baisse surprise de 0,25 point du taux directeur de la BCE, son président prévient que le taux d’inflation sera bas « pendant longtemps. » Mais il affirme aussi avoir encore l'artillerie nécessaire pour répondre à la déflation.

Une baisse des taux et un peu plus. Mario Draghi a, ce jeudi, lancé un véritable tir de barrage pour tenter d'éviter à la zone euro d'entrer dans la déflation. Outre la baisse du taux principal et marginal de refinancement de 25 points de base à 0,25 % et 0,75 % respectivement, le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de « mettre à jour » son « forward guidance », autrement dit l'assurance que les taux resterait « durablement » au niveau actuel ou plus bas.

C'est confirmer qu'un taux directeur de zéro est désormais une possibilité sérieuse. Enfin, la facilité de refinancement sera étendue jusqu'en juillet 2015.

Inefficacité de la BCE jusqu'ici

Pourquoi de telles actions ? Mario Draghi a refusé de croire que les différentes mesures qu'il avait prises depuis mai dernier, autrement dit la baisse à 0,5 % du taux directeur et le premier « forward guidance », n'avaient pas eu d'impact. Le président de la BCE a même soutenu que ces mesures avaient permis de « réduire la fragmentation » du marché du crédit dans la zone euro. Mais enfin, il a dû également reconnaître que « beaucoup de choses ont changé depuis un mois. »

« Temps prolongé d'inflation faible »

Ce qui a changé, c'est évidemment le risque baissier sur le taux d'inflation. Désormais, la BCE prévient que l'on va devoir faire face à « un temps prolongé d'inflation faible. » Un « temps » qu'il n'a pas voulu définir plus précisément. Force est donc bien de constater que les mesures prises par la BCE aujourd'hui scelle son impuissance à agir sur l'inflation, sur la reprise et sur le crédit. Malgré sa politique ultra-accommodante et tous ses efforts, la masse monétaire a reculé en septembre dans la zone euro. La déflation est plus que jamais un risque pour l'UEM.

La zone euro n'est pas le Japon…

Mario Draghi s'est certes voulu le plus rassurant qu'il pouvait. Il a assuré que, avec ces mesures, les anticipations d'inflation à moyen et long terme devraient se situer au niveau de l'objectif de la BCE d'une hausse des prix « sous, mais proche des 2 %. » Il a martelé qu'il ne voyait toujours pas de mouvement déflationniste, sauf en Grèce. C'est une nouveauté, mais la déflation grecque ne gêne pas Mario Draghi qui n'y voit qu'un « ajustement bienvenu. » Il a enfin assuré que la zone euro n'était pas le Japon. Et même, ce qui a beaucoup fait ricaner sur les réseaux sociaux, que « la zone euro avait les meilleurs fondamentaux du monde. »

… mais le devient de plus en plus

Mais il ne faut pas s'y tromper : cette baisse hâtive des taux dénote avant tout un désespoir. Celui de ne pouvoir transmettre dans l'économie sa politique monétaire. Celui de pouvoir contrer efficacement les tendances déflationnistes induites par les politiques d'ajustement à l'œuvre dans la plupart des pays de l'UEM.

Mario Draghi espère toujours une reprise menée par les exportations. Justement ce qu'a jugé peu probable la Commission mercredi. Comme le notent les équipes de recherche de Royal Bank of Scotland (RBS), « ce n'est pas le Japon, mais ça ressemble de plus en plus au Japon. »

Encore de l'artillerie

L'essentiel restait pour Mario Draghi ne pas demeurer sans arme. Il a beaucoup insisté sur ce point : la BCE pourrait encore agir si la déflation frappe. Comment ? D'abord en baissant le taux directeur à 0. « Nous n'avons pas encore atteint les limites basses de la politique monétaire », a indiqué le président de la BCE. Et d'ajouter que la possibilité de faire passer en territoire négatif le taux de dépôt continue « à faire partie de notre artillerie. » « Nous sommes techniquement prêts », a-t-il répété. Mais ces allures de matamore devront désormais se confronter aux faits.

Réaction des marchés marquée par la surprise

La réaction très positive du marché des changes et des actions, elle, non plus, ne doit pas impressionner. Elle est en grande partie due à la surprise d'une baisse des taux attendue plutôt vers décembre. Mais là encore, elle pourrait faire long feu dans la durée. Les expériences de mai et de juillet dernier doivent inviter à la prudence.