Les Sociaux-démocrates allemands renoncent à infléchir la politique européenne de Berlin

Par Romaric Godin  |   |  618  mots
Manifestation satyrique reprenant les trois leaders des partis négociant la "grande coalition".
La SPD a abandonné toute prétention à peser sur la politique européenne allemande. Alors que la CSU bavaroise joue la surenchère...

SPD et CDU n'ont pas encore trouvé d'accord final dans leurs négociations de coalition. Mais du moins se sont-ils mis d'accord sur la future politique européenne du nouveau gouvernement fédéral allemand. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ceux qui s'attendait à ce que la présence des Sociaux-démocrates dans l'exécutif allemand amorce un changement de ton de Berlin en sont pour leurs frais.

Pas de « socialisation des dettes »

Abandonnant les principales (mais très vagues) revendications de leur programme électoral, la SPD a en réalité accepté la poursuite de la politique européenne de la précédente majorité dirigée par Angela Merkel. Pas d'Eurobonds, pas de fonds d'amortissement commun, pas davantage de renforcement du budget européen ou l'abandon de la stratégie de « course à la compétitivité » au sein des pays de la zone euro. Mercredi soir, le secrétaire général de la CDU, Hermann Grohe pouvait triompher : « il n'y aura pas de socialisation des dettes ! »

Pas « d'inflexion sociale-démocrate »

La SPD a reculé devant l'épouvantail de « l'Union des transferts » agité par la droite allemande. Sans vraiment combattre, il est vrai. Preuve s'il en était encore besoin de l'inconsistance des espoirs formulés, notamment en France, de « l'inflexion sociale-démocrate » de la politique européenne allemande. En réalité, l'Europe n'est pas, et n'a jamais été, une priorité pour la SPD qui a cédé aisément sur ce point pour obtenir plus de concessions de son futur partenaire sur des sujets plus « vendeurs » pour ses militants qui doivent se prononcer sur la participation du parti au gouvernement de « grande coalition. » 

Une Europe « plus sociale », mais sans moyens

Certes, les Sociaux-démocrates ne repartent pas les mains vides. Ils ont obtenu la promesse que l'Europe soit « plus sociale. » Un terme vague et sans consistance qui ne devrait pas modifier davantage la politique européenne que le « pacte de croissance » de François Hollande « arraché » en juillet 2012 à Angela Merkel. On notera que le texte reste flou sur un point important du moment, l'union bancaire. Il est vrai que les Sociaux-démocrates, qui sont au pouvoir dans beaucoup de Länder et de communes voient d'un assez mauvais œil arriver la supervision européenne sur le secteur bancaire public allemand….

La CSU à l'offensive

Reste que cette reculade de la SPD a donné des idées à la CSU bavaroise, sœur de la CDU, qui ne manque jamais une occasion d'insister sur son conservatisme et la défense des intérêts allemands. Jeudi matin, la CSU a donc relancé la vieille idée de l'exclusion de la zone euro des « mauvais élèves. » Une idée qui avait jadis été avancée (et vite oubliée) par Angela Merkel et qui est régulièrement repris dans les médias conservateurs. Selon le Spiegel, la CSU voudrait ajouter cette revendication dans le texte signé par la CDU et la SPD. Ce sera sans doute en vain, mais l'essentiel est ailleurs.

Le spectre d'AfD hante la droite allemande

L'essentiel, c'est que cette démonstration de force de la droite allemande sur l'Europe montre qu'elle est désormais obsédée par la montée d'Alternative für Deutschland (AfD), le parti anti-euro qui a frôlé l'entrée au Bundestag lors des élections du 22 septembre. Il y a une forme de surenchère sur l'Europe entre la CDU/CSU et AfD avant les élections européennes de mai. La volonté récemment exprimée par Angela Merkel d'un durcissement des traités le prouve. Et la SPD a renoncé à faire contrepoids. Du coup, la politique européenne de l'Allemagne devrait demeurer celle qu'elle a été jusqu'ici.