La BCE a une nouvelle idée pour réduire le "credit crunch"

Par Romaric Godin  |   |  539  mots
La BCE affûte son artillerie contre la déflation.
La Banque centrale européenne (BCE) voudrait rendre plus coûteuse en capital la détention de bons d'Etat risqués pour diriger les fonds d'investissement vers les entreprises.

La BCE, on le sait, réfléchit intensément aux moyens d'inciter les banques de la zone euro à prêter aux entreprises. Une nouvelle arme vient de s'ajouter à ce que Mario Draghi a appelé son « artillerie » contre la déflation et l'assèchement du crédit.

Réclamer des couvertures pour les obligations d'Etat

Dans l'édition de ce jeudi du Financial Times, en effet, le chef économiste de la BCE, membre du directoire de l'institution, le Belge Peter Praet, indique envisager de réclamer aux banques de la zone euro une couverture en capitaux des obligations souveraines qu'elles détiennent. Cette méthode pourrait être appliquée dès le début de l'année prochaine dans le cadre de la « revue de la qualité des actifs » (Asset Quality Review ) que la BCE va mener auprès de 130 banques systémiques européennes dans le cadre de sa nouvelle tâche de supervision.

Durcir les règles pour prêter plus ?

Concrètement, ceci durcira évidemment les besoins en capitaux des banques, mais la BCE voit un coup plus loin : son but est que les établissements financiers utilisent désormais l'argent emprunté à taux très bas auprès d'elle non pas pour acheter des obligations souveraines, mais pour prêter aux entreprises.

Si les bons d'Etat sont jugés dans le bilan des banques à leur « juste risque », alors il peut être moins coûteux en couverture aux banques de prêter à certaines entreprises privées. Ceci pourrait, dans la logique de la BCE, rétablir une partie de la transmission à l'économie de sa politique monétaire. Or, cette absence de transmission est le problème principal de la BCE.  

Une arme de plus…

La mesure, qui viendrait s'ajouter à nombres d'autres instruments qui encombrent ce que Mario Draghi a appelé la « panoplie » de la BCE, avec notamment des taux de dépôt négatif, un taux de refinancement nul ou un nouveau programme de liquidité à long terme (LTRO), n'est cependant pas sans risque. Car si l'OMT, le programme de rachat illimité d'obligations d'Etat de la BCE, a rétabli le calme sur le marché des taux de la zone euro, on n'est plus dans la confusion des taux qui régnait avant 2008.

… qui n'est pas sans risque

Dissuader les banques d'acheter les obligations les plus risquées de la zone euro pourrait donc augmenter le coût de la dette pour les pays qui tentent de revenir sur le marché comme l'Irlande ou le Portugal, et surtout pour les pays qui dépendent beaucoup des achats du secteur financier et qui sont plus risqués que les pays AAA comme la France ou l'Italie. Le risque, c'est que plutôt que de prêter aux entreprises, les banques se jettent vers ce qui reste de bons AAA et fasse grossir l'écart (le « spread ») avec le reste de la zone euro. Un pays comme la France en souffrirait beaucoup.

Quoi qu'il en soit, la BCE engage sa nouvelle cape de superviseur bancaire avec, en tête, ses objectifs de politique monétaire. Ce n'est pas ce qu'elle avait promis, jurant jadis qu'elle établirait une muraille infranchissable entre ces deux tâches. Mais nécessité fait loi…