Hausse du chômage et découragement au menu en Espagne

Par latribune.fr  |   |  608  mots
Sara de la Rica, professeur de l'université du Pays Basque et chercheuse à la Fondation d'études d'économie appliquée (Fedea), souligne "le taux d'activité de 59%, très bas, et le taux d'emploi de 44%", lui aussi très faible. (Photo : Reuters)
Le taux de chômage a encore augmenté en Espagne au premier trimestre, à 25,93%, proche de son record historique. Une situation qui incite nombre de demandeurs d'emploi, découragés, à abandonner leurs recherches, voire à quitter le pays.

Les messages positifs en provenance du Sud de la zone euro se sont multipliés ces derniers temps. A tel point que Bruxelles s'est félicité de ses choix dans la gestion de la crise qui a secoué la région ces trois dernières années. Sauf qu'en Espagne, l'amélioration de la situation ne se traduit pas par une baisse du chômage. Au premier trimestre, celui-ci a encore augmenté, pour atteindre 25,93%, un taux tout proche de son record historique.

Baisse du nombre de chômeurs

Dans le détail, l'Institut national de la statistique (INE) espagnol relève toutefois un point positif : c'est la première fois, depuis 2005, que le premier trimestre, traditionnellement mauvais en termes d'emploi, enregistre une baisse du nombre de chômeurs.

Le gouvernement conservateur, qui répète ces derniers mois un discours teinté d'optimisme à la faveur de la sortie de la récession, s'est empressé de saluer ces chiffres, "porteurs d'espoir", selon le ministre du Budget Cristobal Montoro.

Baisse de la population active

Mais cette infime baisse du nombre de demandeurs d'emplois est totalement effacée par le recul de la population active, ce qui explique que le taux de chômage a tout de même augmenté.

De fait "le nombre de chômeurs baisse non parce qu'ils ont trouvé un travail, mais parce qu'ils ont arrêté de chercher", rétorque Sara de la Rica, professeur de l'université du Pays Basque et chercheuse à la Fondation d'études d'économie appliquée (Fedea). Elle souligne "le taux d'activité de 59%, très bas, et le taux d'emploi de 44%", lui aussi très faible.

Découragement et baisse de l'immigration de travail

"Cela serait bien mieux que la baisse du chômage soit la conséquence de la création d'emploi", observe Javier Velazquez, professeur d'économie à l'université Complutense de Madrid. "Il y a beaucoup d'actifs qui abandonnent le marché du travail parce qu'ils n'ont aucune perspective de trouver un emploi", note-t-il: "ils finissent par se décourager".

Autre phénomène, celui "des immigrants qui abandonnent le pays en se disant qu'ici, il n'y a pas de perspective de travail, surtout ceux qui sont venus en Espagne pour travailler dans le secteur de la construction", sinistré depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008. Selon les statistiques de l'Ine publiées la semaine dernière, la population en Espagne a baissé en 2013 pour la deuxième année consécutive, à 46,7 millions de personnes, en raison du départ de nombreux résidents étrangers, notamment de Britanniques, Equatoriens et Colombiens.

Émigration face à l'absence de perspectives

Enfin, il y a aussi "la population espagnole, surtout des jeunes formés qui quittent le pays pour chercher un emploi", souligne Javier Velazquez. La situation reste en effet dramatique pour les moins de 25 ans, les plus touchés par le chômage avec un taux de 55,5%. En outre, près de 2 millions de foyers en Espagne ont tous leurs membres actifs en recherche d'emploi, un chiffre en constante hausse.

Aucune des 17 régions d'Espagne n'affiche un taux de chômage inférieur à 17%. Parmi elles, l'Andalousie, avec 34,94%, les îles Canaries, avec 32,55%, et l'Extrémadure, avec 32,14%, sont celles qui en souffrent le plus.

"Quand reviendrons-nous à des taux de chômage inférieurs à 12%, comme avait l'Espagne avant?", se demandait mardi Toni Ferrer, un des porte-parole du syndicat UGT, interrogé sur la radio nationale, notant que "cinq chômeurs sur dix ne touchent aucune prestation ou allocation", près de 3 millions d'entre eux étant sans emploi depuis plus d'un an. Selon lui, contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, "notre économie n'est pas sur cette voie de changement de cycle".