Quatre millions de chômeurs espagnols ne toucheraient pas de prestations

Par Tiphaine Honoré  |   |  708  mots
Selon les données officielles, le pourcentage de chômeurs indemnisés auraient baissé de 20 points depuis 2010. (Photo : Reuters)
Selon la dernière enquête sur la population active espagnole, menée par l'Institut national des statistique, moins de 1,9 millions de sans-emplois perçoivent une allocation chômage. Les dépenses consacrées aux prestations sociales devraient par ailleurs encore être réduites de 15,5% cette année.

Ils sont 5,9 millions d'espagnols, sur une population de plus de 47 millions, à ne pas avoir de travail. 5,9 millions de personnes, âgées de plus de 16 ans, disponibles pour exercer un métier et en recherche active qui ne parviennent pas à trouver un emploi. Avec 26,7% de chômage, l'Espagne reste l'un des pays de l'Union Européenne les plus grevés par ce fléau. D'autant que les moins de 25 ans restent les plus touchés, avec plus d'un jeune sur deux sans-emploi. 

Le chiffre est encore plus inquiétant lorsqu'on apprend que sur ces 5,9 millions de chômeurs, 4 millions d'entre eux ne touchent pas d'aide ou d'indemnité en conséquence, pour faire face à leur situation, comme le décrit un article d'El Pais.  Seul 1.927.703 personnes percevraient des prestations, dont 1.163.747 d'hommes contre 763.957 de femmes. Le taux de protection, selon les données fournies par l'Institut national des statistique (INE), représenteraient ainsi 32,5% de personnes. 

Une guerre des chiffres avec le gouvernement

Le chiffre des quatre millions de chômeurs espagnols sans prestations a été compilé et étudié dans un rapport de la fondation 1 de Mayo, qui s'est penchée sur la question des taux de prestation et de protection dans chacune des provinces espagnoles. Mais la conclusion de leur rapport, basé sur les chiffres du très officiel INE espagnol, se butte aux statistiques avancées par le Ministère du travail, qui proviennent des bureaux publics d'emploi (se rapprochant des antennes du Pôle emploi français). 

Selon le gouvernement, les Espagnols touchant des aides ne seraient pas seulement 1,9 millions, mais 2,7 millions. Une donnée que le quotidien El Pais explique par le fait que le ministère comptabilise des personnes bénéficiant de prestations qui ne s'apparentent pas réellement au chômage. 

Sont par exemple comptés les gens en pré-retraite qui touchent des compensations de salaires, tout comme les employés en chômage technique ou encore les personnes à temps partiel qui complètent leur revenu avec les prestations. 

Un déclin important de la protection

Au delà des écarts de recensement de ces personnes sans couverture, le rapport de la fondation 1 de Mayo observe surtout un recul important de la protection contre le chômage ces dernières années. Selon les données officielles, le pourcentage de chômeurs indemnisés auraient baissé de 20 points depuis 2010. 

Une chute importante qui peut s'expliquer par la durée de la crise économique. En se prolongeant sur plusieurs années, elle provoque toujours plus de suppressions de poste et réduit les opportunités de travail. Le chômage de longue durée s'installe et les Espagnols épuisent petit à petit leurs droits jusqu'à ne plus rien percevoir sans pour autant retrouver un emploi.

Une autre explication réside dans le fait que l'État a considérablement coupé dans ses dépenses et réduit en juillet et août 2012 l'accès aux subventions. Cette diminution de la couverture contre le chômage est visible dans les comptes du Trésor public. Elle représentait l'un des premiers budgets de l'administration avec un total d'environ 32 000 millions d'euros en 2009, mais commence à s'effondrer, avec une réduction de 15,5% estimée pour le début de l'année 2014.

Des aides sociales existantes

Mais ne pas percevoir d'allocations chômage ne signifie pas pour autant que les Espagnols ne bénéficient d'aucune aide en générale. Comme en France, il existe d'autres prestations sociales pour ceux qui ne gagnent pas un revenu suffisant, comme les "salaires sociaux des communautés autonomes".Il n'existe toutefois pas de données officielles les comptabilisant, elles auraient pourtant permis de savoir si ces subventions compensaient les conséquences de l'effondrement du marché du travail.

Un chose est sûre, le nombre d'Espagnols dans le besoin est important et en augmentation. Selon les chiffres de l'enquête sur la population active de l'INE, les foyers dont aucun des membres n'a de rémunération étaient 736.900 au premier trimestre 2014, laissant supposer qu'il existe 1,5 million de personnes sans aucun salaire.

Et si les parlementaires ont évoqué le projet de renforcer les aides aux chômeurs en fin de droit, à travers un revenu minimum de type RSA, la proposition est encore au fond des cartons.