Pologne : le gouverneur de la banque centrale plonge le gouvernement dans la tourmente

Par Romaric Godin  |   |  502  mots
Le premier ministre polonais Donald Tusk a exclu toute démission
Marek Belka aurait proposé au ministre de l'intérieur de baisser les taux pour aider le parti au pouvoir de gagner les élections de 2015, moyennant le renvoi du ministre des Finances.

En pleine discussion sur la future présidence de la commission européenne, la Pologne s'enfonce dans la crise politique qui pourrait déboucher sur des élections anticipées. A l'origine de cette tourmente qui gène considérablement le premier ministre libéral Donald Tusk, une conversation entre le gouverneur de la banque centrale polonaise (NBP), Marek Belka, et le ministre de l'intérieur Bartolomej Sienkewicz révélé par le magazine Wprost.

Echange de bons procédés

Au cours d'un déjeuner dans un restaurant varsovien en juin 2013, le banquier central aurait proposé au ministre de baisser les taux afin de soutenir la croissance et de favoriser le parti au pouvoir, la Plateforme Civique (PO) avant les prochaines élections à la Diète prévue en 2015. En échange, Marek Belka demande la démission du ministre des Finances, Jacek Rostowski et son remplacement par un « technicien. »

Des « prédictions » réalisées…

Le 3 juillet 2013, la NBP a abaissé son taux directeur de 25 points de base à 2,5 %. Quatre mois plus tard, en novembre 2013, Jacek Rostowski démissionnait et était remplacé par un économiste, Mateusz Szczurek. Certes, il a depuis réaffirmé avoir quitté le gouvernement « pour raisons personnelles. » Mais il n'empêche, la coïncidence est troublante. Et cette conversation prouve que le gouverneur de la NBP a une conception pour le moins « élastique » de son indépendance, assez peu en accord avec les règles officielles européennes.

Nouvelles élections ?

Marek Belka parle de conversations « sorties de leur contexte », mais ces révélations ont déclenché des réactions violentes du principal parti d'opposition, les conservateurs d'Ordre et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski, ont demandé la démission du gouvernement. Même l'allié du PO, le parti paysan n'a pas exclu mercredi la possibilité d'élections anticipées.

Allumer des contre-feux

Donald Tusk essaie de contrer la pression en ouvrant des contre-feux et en avançant la thèse du complot. Les responsables des services de sécurité polonais ont laissé entendre que la fuite pourrait être d'origine russe. Ce serait alors une réponse à l'engagement de la Pologne en faveur des nouvelles autorités ukrainienne issue des événements du début de l'année. Les locaux de Wprost ont été perquisitionnés. Evidemment, un tel scénario permettrait au gouvernement de faire oublier le fond de l'affaire au profit d'une « union sacrée » contre Moscou. Mais il n'est pas certain que la manœuvre porte. D'autant que Wprost aurait d'autres révélations sous le coude.

Une carrière politique chargée

Donald Tusk a indiqué qu'il ne démissionnerait pas et il a défendu Marek Belka. Mais la position de ce dernier semble désormais intenable. C'est un choc pour l'économie qui le respectait beaucoup. Mais c'était oublier que Marek Belka était d'abord un politique, deux fois ministres des finances et ancien premier ministre (de 2004 à 2005). Une carrière qu'il n'avait apparemment pas oubliée en entrant dans la carrière de banquier central en 2010.