Schröder favorable à des règles plus souples pour réduire le déficit public

Par Romaric Godin  |   |  699  mots
Duel de chanceliers en Allemagne
L'ancien chancelier veut laisser davantage de temps à la France et à l'Italie pour réduire leurs déficits. Mais son appel risque bien de ne pas être entendu.

Le fait est assez rare : Gerhard Schröder descend ce vendredi 20 janvier dans l'arène politique allemande. Dans une tribune publiée dans le Handelsblatt, l'ancien chancelier se souvient qu'il a été social-démocrate et défend la proposition de l'actuel vice-chancelier Sigmar Gabriel de réformer la règle des déficits en Europe.

Soutien à la proposition de Sigmar Gabriel

Le ministre allemand de l'Economie actuel avait proposé lundi à Toulouse de donner plus de temps aux Etats membres pour revenir à la limite autorisée par le pacte de stabilité de croissance et d'exclure certaines dépenses du calcul de ce déficit, moyennant cependant l'application de certaines réformes. Une proposition qui reprenait les demandes de certains pays périphériques, notamment l'Italie. Mais Angela Merkel et encore plus Wolfgang Schäuble, son ministre des Finances, ont fait savoir qu'il n'était pas question de changer ces règles.

Pour Gerhard Schröder, cependant, il est « dans l'intérêt de l'Allemagne de laisser à nos partenaires européens plus de temps pour se réformer par une flexibilisation de la politique d'austérité. » L'ancien chancelier qui avait soutenu quasi-ouvertement Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle de 2012 semble donc désormais s'opposer à la position d'Angela Merkel.

En 2003, l'Allemagne avait oublié le pacte de stabilité

Il est vrai que l'ancien chancelier sait de quoi il parle. Contrairement à l'image d'Épinal qui circule en France, il a longtemps reculé devant les réformes qu'il n'a engagé que 5 ans après son arrivée au pouvoir en 2003 et après sa réélection de justesse de 2002. Une des clés du succès de son « Agenda 2010 » a par ailleurs été la « bouffée d'air » négocié avec Jacques Chirac. La France et l'Allemagne s'était alors entendu pour ne pas respecter le pacte de stabilité durant quelques années, sans qu'il n'y ait de sanctions. Le chancelier avait alors rapidement baissé les impôts sur les sociétés et le travail, mais avait rapporté à plus tard la hausse de la TVA. Ainsi, il pouvait soutenir la conjoncture et éviter d'aggraver les effets négatifs des réformes. Ce fut une des clés de l'acceptation par les Allemands de ces mesures.

Aujourd'hui, le Six Pack interdit quasiment de facto le renouvellement de cet épisode. Désormais, la majorité exigée du conseil européen pour éviter une sanction est trop forte pour pouvoir être réunie. Les pays de la zone euro ne peuvent donc plus échapper à une sanction proposée par la Commission. D'où l'idée d'assouplir les règles que défend à présent Gerhard Schröder.

Tensions avec Angela Merkel

Cette sortie montre aussi qu'il existe désormais une certaine tension entre Angela Merkel et son prédécesseur qui, un temps, s'entendaient fort bien. La politique de la chancelière en Ukraine pourrait avoir irrité Gerhard Schröder qui, on le sait, est assez proche de Moscou. Il avait beaucoup critiqué l'attitude de "l'UE" dans la crise ukrainienne.

Impact limité

Quel sera l'impact de cette tribune de Gerhard Schröder ? Elle fera plaisir à François Hollande, grand admirateur du près de l'agenda 2010. Mais guère plus. Gerhard Schröder n'est guère populaire en Allemagne, même si ses réformes le sont devenues un peu plus. Mais, par une certaine ironie de l'histoire, c'est Angela Merkel qui a emporté les fruits politiques de ces réformes. Tout simplement parce que elle les a achevées et que le retour à la croissance s'est effectué pendant ses mandats.

Angela Merkel a d'autres priorités

Or, pour le moment, Angela Merkel ne bougera pas sur ce point. Sa crainte des eurosceptiques est déterminante. On voit, du reste, que la chancelière n'a de cesse de chercher un compromis sur la présidence de l'UE non pas avec Matteo Renzi ou François Hollande, mais avec David Cameron. L'essentiel pour elle est de maintenir la pression sur les pays « mauvais élèves » afin de ne pas donner à son électorat conservateur la fâcheuse impression qu'elle lâche du lest… La prise de position de Gerhard Schröder risque donc de peser peu dans cette stratégie.