L'investissement public peut-il sauver le plan Juncker ?

Par Romaric Godin  |   |  570  mots
La Commission pourrait ne pas prendre en compte les investissements dans le plan Juncker pour le calcul du déficit.
Jean-Claude Juncker a promis d'exclure du calcul des déficits les contributions des Etats à son plan d'investissement. Un élément décisif ?

Il existe beaucoup de raisons de ne pas croire à un effet notable au plan d'investissement lancé ce mercredi 26 novembre par Jean-Claude Juncker. Un point, cependant, semble positif : l'encouragement de la Commission aux Etats pour participer à ces investissements. Depuis des mois, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, réclame que les investissements publics soient décomptés du calcul du déficit par la Commission. Le jeune et fougueux leader du centre-gauche italien aurait-il obtenu enfin gain de cause ? A voir.

Quelle exclusion ?

D'abord, si, lors de son discours devant le parlement, Jean-Claude Juncker a « promis de ne pas intégrer les contributions nationales dans le calcul du déficit », officiellement, la Commission se contente d'indiquer qu'elle « considérera de manière favorable de tels apports de capitaux aux Fonds. » Autrement dit, il n'y aurait là rien d'automatique. Comme souvent, le président de la Commission s'est peut-être un peu avancé et c'est le conseil européen qui décidera. Autrement dit, c'est Angela Merkel qui, comme souvent, aura le dernier mot. Berlin acceptera-t-il une exclusion automatique de ces sommes du calcul du déficit ? Rien n'est moins sûr, car c'est, sur le papier, contraire aux Traités, tant le pacte de stabilité que le pacte budgétaire. Si, Berlin refuse la promesse du président de la Commission, les pays en procédure de déficit excessif risquent de devoir se contenter de piocher dans l'existant, particulièrement les fonds structurels non utilisés, pour abonder au FEIS. Bruxelles a beaucoup insisté sur cette possibilité.

Tour de passe-passe ?

En prenant l'hypothèse la plus optimiste, celle d'une exclusion automatique des contributions nationales au FEIS dans le calcul du déficit, quelle forme prendra alors la bienveillance de la Commission ? C'est entendu, elle fermera les yeux sur ces sommes. Mais il n'empêche que le pacte de stabilité et le semestre européen seront toujours en vigueur. Autrement dit, en dehors de cette contribution, il faudra toujours consolider son budget. On est donc loin des demandes du printemps de Matteo Renzi. Car ce qui risque d'arriver, c'est que les Etats remplacent une partie de leurs investissements « nationaux » par des investissements dans le FEIS pour obtenir la bienveillance de la Commission. L'économie des pays en déficit gagnera-t-elle à ce tour de passe-passe ? C'est loin d'être sûr. L'argent qui ne sera plus investi directement dans le pays manquera à cette économie et ne reviendra qu'en partie via le FEIS. Le pari de Bruxelles, c'est que les investissements du FEIS sont plus efficients que ceux des Etats nationaux. C'est une croyance fort répandue à la Commission, mais les faits lui donneront-ils raison ?

Contradiction

Cette exclusion ne règle donc pas un des problèmes principaux de ce plan d'investissement. Son caractère contra-cyclique est en effet compensé par une politique profondément procyclique qui est celle du semestre européen. Ce que l'on donne généreusement d'une main, on risque bien de le reprendre de l'autre. Et l'on comprend que Matteo Renzi, pourtant toujours prompt à souligner ses victoires, même les plus étriquées, ne s'est pas montré prolixe sur le sujet. Au mieux, si ce plan est un « succès », son effet macroéconomique sera réduit. Comme toujours, il s'agissait surtout pour la Commission de créer un effet positif sur la confiance. Effet incertain compte tenu des faibles moyens concrets mis sur la table.